Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vicaire capitulaire aux individus que j’aurais nommés... Des bulles, des correspondances, ont été imprimées par ordre du pape et répandues dans toute la chrétienté. Il n’a pas dépendu de lui que les scènes des Clément, des Ravaillac, des Damien, ne se renouvelassent. Il n’a pas dépendu de lui que je sois abandonné de mes peuples, de mes armées, comme Philippe le Long... Je sais qu’il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu; mais le pape n’est pas Dieu. Lorsqu’on voit les papes constamment s’agiter et bouleverser la chrétienté pour les intérêts temporels du petit état de Rome, c’est-à-dire d’une souveraineté qui équivaut à un duché, on déplore l’état de la société catholique, compromise pour de si chétifs intérêts.

«….. Je ne saurais plus regarder le concordat comme existant, et je ne puis accepter la modification que vous me présentez. Un contrat synallagmatique est nul quand une des parties l’a violé. Le pape a violé le concordat depuis quatre ans. Il a violé précédemment celui qu’il avait fait avec mon royaume d’Italie, ce qui a pénétré d’indignation toute mon église italienne. Dans cette situation des choses, la clause que l’institution serait donnée par les métropolitains, si le pape ne la donnait pas, ne garantirait pas mes successeurs des querelles qu’ils pourront avoir avec les papes[1]. »


Après ce discours, « qui ne fut, dit Consalvi, qu’un tissu de principes erronés, de faussetés, de calomnies atroces, de maximes anti-catholiques, pas un cardinal, pas un évêque n’eut le courage de défendre la vérité en présence de la force et de la puissance. Oubliant leurs devoirs, ils gardèrent tous un scandaleux silence[2]. » Les ecclésiastiques présens à cette scène n’étaient pas les seuls à être terrifiés. L’étonnement et l’épouvante jetés dans l’assemblée entière par de telles invectives avaient fermé toutes les bouches. On se regardait les uns les autres sans souffler mot. Alors l’empereur, un peu embarrassé lui-même, et comme pour opérer une sorte de diversion, s’adressant à M. Émery, lui demanda ce qu’il pensait de tout cela. M. Émery, directement interpellé, jeta d’abord les yeux sur les évêques de la commission, comme pour obtenir d’eux la permission.de dire son avis en leur présence, puis, se tournant vers l’empereur : « Sire, dit-il, je ne puis avoir sur ce point d’autre sentiment que celui qui est contenu dans le catéchisme enseigné par vos ordres dans toutes les églises de l’empire. Je lis dans ce catéchisme que le pape est le chef visible de l’église. Or un corps peut-il se passer de son chef, de celui à qui, de droit divin, il doit l’obéissance? » La simplicité de cette réponse et la citation de son propre

  1. L’empereur au comité ecclésiastique à Paris, 10 mars 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXI, p. 481.
  2. Le cardinal Consalvi, cité dans les mémoires du cardinal Pacca, t. II, p. 297.