Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/982

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlemens est en effet un véritable interrègne. Le gouvernement du pays retourne entre les mains des électeurs, dont il était sorti par voie de délégation. Un peuple qui renouvelle au moins tous les sept ans son souverain de fait n’a guère de raisons pour chercher querelle à un autre simulacre de royauté. Aussi beaucoup d’Anglais attribuent-ils aux élections et au pouvoir immense dont elles disposent la stabilité du trône constitutionnel. Cette fois un changement de dynastie, si l’on peut ainsi dire, dans la souveraineté nationale, quelque chose comme l’accession de la branche cadette aux affaires de l’état, répandait un intérêt solennel sur le premier acte des nouveaux mandataires créés par la loi de 1867. Dès le soir de la dissolution, les malles-postes emportèrent vers tous les coins du royaume les writs ou lettres adressées à tous les officiers électoraux, retuming ofjicers. Ces importantes dépêches sont envoyées des bureaux de la couronne à la trésorerie, où un état-major des employés de la poste se tient prêt à les recevoir. La moindre erreur pourrait donner lieu à de graves et fâcheuses conséquences. Aussi le chef du service préside-t-il lui-même au travail du triage et imprime-t-il de sa propre main sur chacun des sacs le sceau de l’état. Ces sacs sont ensuite remis à de sûrs messagers ; ils partent, et que Dieu protège la vieille Angleterre !

Le 16, la nomination se fit dans plusieurs bourgs. J’étais ce jour-là même à Greenwich. Un intérêt tout particulier s’attachait dans les circonstances présentes à cette localité célèbre pour ses souvenirs historiques. Nul n’ignorait alors en Angleterre que l’élection de M. Gladstone ne fût sérieusement menacée dans le sud-ouest du Lancashire par la coalition des ministres protestans, des maîtres de fabriqué et des grands propriétaires du sol. Dans la prévision d’un échec qui pouvait écarter pendant quelque temps de la lutte le chef du parti libéral, il était au moins prudent de lui assurer un second cheval de bataille sur lequel il pût entrer au parlement couleurs déployées. Ces doubles élections ne sont guère dans les habitudes anglaises. Aussi le bourg de Greenwich donna-t-il un rare exemple de sagesse et de dévoûment politique en choisissant un candidat qui frappait à la porte d’un autre collège. Pendant des semaines et des mois, il sembla que le nom seul du vaillant athlète eût suffi pour écarter de la lice les autres concurrens. Encouragés cependant par l’absence de M. Gladstone, lord Mahon et sir H. Parker, deux candidats conservateurs, se présentèrent. L’un d’eux avoua lui-même qu’il n’aurait peut-être point osé attaquer la place, si le chef du parti libéral l’eût défendue en personne ; mais, « comme il n’y avait après tout dans la lutte que le chapeau et l’habit du géant, » il se risquait. Vers onze heures, une foule épaisse se serra autour