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des agens du préfet s’étaient rendus à leur domicile et avaient fait main basse sur tous leurs papiers. On n’y découvrit rien qui pût donner prétexte à la moindre poursuite. N’importe, l’empereur avait menacé M. de Bois-Chollet; il fallait à tout le moins que le prélat consentît à se démettre de lui-même. A cet effet, l’un des principaux officiers du palais se transporta chez lui de la part de l’empereur, et lui signifia qu’il n’avait plus désormais d’autre parti à prendre. L’évêque de Séez se résigna, mais non pas sans souffrance. La seule plainte qu’il se permit avait quelque chose de touchant. « Hélas! s’écria-t-il, la foudre m’a frappé, et, comme les vieux arbres qu’elle atteint, je ne m’en relèverai jamais. » Trois mois plus tard, une attaque de paralysie le mettait aux portes du tombeau, et bientôt il mourait, avant qu’une année se fût écoulée depuis la scène d’Alençon[1].

Quant à M. Le Gallois, quarante-huit heures après son entrevue avec l’empereur, il fut arrêté dans le palais épiscopal et amené entre deux gendarmes à la prison d’Alençon. De là, conduit de brigade en brigade jusqu’à la Force, à Paris, il y fut retenu onze jours au secret. L’officier de police chargé d’interroger M. Le Gallois se trouvait être neveu d’un curé de l’Orne qui avait autrefois desservi une paroisse voisine de celle de l’abbé Le Gallois. Le délégué du ministre de la police n’avait jamais entendu son oncle parler qu’avec éloge du grand-vicaire de Séez. « Ah! vous jouissiez dans ce temps-là d’une bonne réputation, dit l’officier de police. — Mais je ne vois pas pourquoi, par le temps qui court, vous concluez que je l’ai perdue parce que je comparais devant vous. » Cette réponse du prévenu mortifia un peu son interrogateur. Après avoir compulsé tous les papiers qu’il avait reçus directement de Séez et recueilli sur le compte de M. Le Gallois les renseignemens les plus détaillés, qui concordaient tous à le représenter comme un prêtre fort paisible, le ministre de la police témoigna beaucoup de surprise de cette arrestation, qu’il imputait surtout à la secrète malveillance des autorités locales du département de l’Orne contre le pauvre grand-vicaire. Il assura donc M. Le Gallois que, toutes les imputations dont il était l’objet ayant été reconnues sans fondement, son affaire ne pouvait avoir aucune suite fâcheuse. Il avait rédigé sur son compte un rapport favorable, et l’empereur sans doute le ferait prochainement relâcher. Il n’en fut rien. C’était un parti-pris maintenant de la part de Napoléon de se montrer plus rigoureux à l’égard des hommes d’église que ne l’étaient ses propres agens livrés à eux-mêmes. Loin

  1. Voyez le livre de M. Maury d’Orville sur les évêques et le diocèse de Séez; Séez, 1829.