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du matin, quand les membres du concile se rendirent à l’archevêché, ils n’y trouvèrent pas leur président. À la sortie de la messe, vers midi, le cardinal Maury leur apprit que le cardinal Fesch avait dû partir précipitamment pour Saint-Cloud, et qu’il leur faisait savoir que la congrégation générale était remise au lendemain. Voici ce qui s’était passé. Napoléon, furieux de ce qui s’était produit le jour de l’ouverture du concile, avait résolu de ne pas laisser le dernier mot aux évêques ; il avait résolu de faire à son tour entendre sa voix, mais en termes si clairs qu’ils fissent à l’instant tomber ces puériles velléités d’opposition. Le plan qu’il avait arrêté avec le cardinal Fesch, maintenant un peu embarrassé de sa précédente attitude, mais d’accord surtout avec les évêques de Nantes et de Trêves, avec le patriarche de Venise, ses confidens intimes, était fort simple. Ne voulant pas se commettre de sa personne avec l’assemblée des prélats, il avait pris le parti d’y faire officiellement intervenir les deux ministres des cultes de France et d’Italie, M. le comte Bigot de Préameneu et M. le comte Marescalchi. Il avait composé, pour le mettre dans leur bouche, un message que ces messieurs devaient lire au début de la première congrégation générale, celle fixée au 19 juin, message destiné à manifester hautement ses volontés[1]. Cependant, quand la teneur du message impérial avait été communiquée au cardinal Fesch, celui-ci en avait été tellement effrayé qu’il avait cru devoir courir en toute hâte à Saint-Cloud pour obtenir au moins quelques modifications. Toujours défiant à son endroit et s’étant bien promis de ne rien céder aux instances de son oncle sans avoir préalablement demandé l’avis des évêques naguère députés à Savone, l’empereur avait fait dire à MM. de Barral, Mannay et Duvoisin de se trouver dès sept heures du matin à Saint-Cloud. Les pourparlers avaient été longs et la discussion comme toujours très orageuse entre l’oncle et le neveu. Napoléon n’avait accordé qu’avec beaucoup d’humeur et de mauvaise grâce de très légers changemens dont le président du concile n’avait paru lui-même qu’à moitié satisfait. C’est ainsi qu’à la grande surprise des prélats, et sans qu’ils en eussent bien pénétré la cause, quoiqu’ils la soupçonnassent assez fâcheuse, la première congrégation générale avait été remise du 19 au 20 juin.

Un sentiment plus vif que celui de la surprise put se lire sur le

  1. « Monsieur le comte Bigot de Préameneu, remettez au ministre Marescalchi le discours que vous devez prononcer demain à l’ouverture du concile. (Évidemment il s’agit, non pas de l’ouverture du concile, mais de la congrégation générale fixée pour le 19 juin, puisque la lettre est du 18, et que le concile avait été ouvert le 17.) Vous le lirez en français, et immédiatement après le comte Marescalchi le lira en italien. Je vous renvoie ce discours avec les changemens que je consens à y faire. » — Napoléon Ier au comte Bigot de Préameneu, 18 juin 1811. — Correspondance de Napoléon ler, t. XXII, p. 256.