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prouvent. Ils les portent incessamment au compte de ses ministres, qu’ils représentent comme l’ayant poussé bien malgré lui dans des voies qui n’étaient pas naturellement les siennes. À les en croire, on arriverait à se figurer que, dans les affaires qui concernaient la religion, le chef du grand empire a été toute sa vie inspiré, conduit, gouverné, peu s’en faut qu’ils ne disent opprimé, par les redoutables philosophes de son conseil d’état. Une lettre de Napoléon en date du 18 juin, lettre que nous avons déjà citée, suffirait à elle seule pour démontrer qu’il a été l’unique auteur de la harangue débitée par M. Bigot de Préameneu ; mais les éditeurs de la correspondance impériale ont levé eux-mêmes toute espèce de doute en insérant textuellement ce discours à sa date dans leur collection officielle. Ne l’eussent-ils point fait, il aurait suffi, pour dissiper toute incertitude à cet égard, de lire attentivement l’exposé qui s’y trouve des démêlés survenus entre le gouvernement français et la cour de Rome. Non-seulement c’est le même fonds de récit, marqué des mêmes traits que nous avons déjà tant de fois signalés dans les manifestes émanés de l’empereur ; c’est aussi le même sans-façon à dénaturer des événemens connus de tous, ce sont les mêmes omissions singulières à l’égard des faits qui le gênent, et surtout les mêmes accusations injurieuses reproduites exactement dans les mêmes termes. Ce qui était nouveau de sa part, maladroit au point de vue politique, choquant surtout, à ne tenir compte que des simples convenances, c’était de parler comme on le faisait du chef de leur église à des prélats rassemblés en concile. Quelle ne dut pas être la stupéfaction des pieux assistans lorsqu’ils entendirent le ministre de l’empereur commencer la longue énumération des griefs de son maître ! La liste en était dressée en termes amers, et rien n’y était oublié.

« En 1807, le pape, mal conseillé, avait voulu tenir le royaume d’Italie en fermentation en agitant les consciences. C’était la victoire de Friedland qui l’avait obligé à concéder l’institution canonique aux prélats italiens nommés par l’empereur[1]… » Des discussions temporelles étant survenues entre l’empereur et le pape, celui-ci avait voulu chercher un moyen de triompher dans ces discussions par un refus absolu des bulles d’institution. Des brefs du saint-père aux chapitres de Paris, de Florence et d’Asti leur avaient défendu de donner des pouvoirs aux évêques que l’empereur et roi avait nommés, et par ce moyen le pape avait essayé de susciter des troubles dans l’église et dans l’état. Les chapitres de l’empire et ceux du royaume d’Italie avaient unanimement et de la manière la plus

  1. Discours de M. le comte Bigot de Préameneu au concile national de 1811, inséré dans la Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 256.