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également pour les groupes, qu’il s’agisse de genres ou de familles. On comprend combien ces faits généraux auront d’influence sur la distribution et la succession des êtres. On comprend en particulier que la diversité des caractères chez les habitans d’une même région est une des conditions les plus favorables à la multiplicité des espèces, la lutte pour l’existence diminuant de violence par cela seul que chacune d’elles, adaptée à ses conditions particulières de vie, n’a pas de raisons pour empiéter sur ses voisines. Enfin il ressort de ce qui précède une conséquence sur laquelle Darwin insiste plusieurs fois. L’espèce, le genre possédant un maximum de plasticité organique accusé par le grand nombre des formes qui les représentent, devront inévitablement avoir l’avantage dans la grande bataille de la vie. À eux donc seront réservées ces grandes conquêtes dont le règne végétal lui-même a fourni des exemples frappans.

Pour Darwin, ce travail de simple adaptation ou de perfectionnement se fait « insensiblement et en silence. Nous ne voyons rien de ces lentes et progressives transformations, ajoute-t-il, jusqu’à ce que la main du temps les marque de son empreinte en mesurant le cours des âges, et même alors nos aperçus à travers les incommensurables périodes géologiques sont si incomplets que vous voyons seulement une chose, c’est que les formes vivantes sont différentes aujourd’hui de ce qu’elles étaient autrefois. » À bien des reprises, Darwin revient comme Lamarck sur l’extrême lenteur de l’action élective, et parfois dans des termes qui rappellent presque ceux de la Philosophie zoologique. Il admet en outre que la sélection naturelle n’agit souvent qu’à de longs intervalles, qu’elle n’atteint à la fois qu’un très petit nombre des habitans d’une même région. Ici l’auteur est-il bien d’accord avec ses prémisses ? C’est ce que nous examinerons plus tard ; mais du moins il rend ainsi compte plus aisément d’un certain nombre de faits paléontologiques, et dans l’appréciation des rapports généraux il n’a pas besoin d’aller aussi loin que Lamarck, qui ne voyait en somme dans les êtres vivans que des individus plus ou moins isolés.

Les principes précédens entraînent un certain nombre de conséquences secondaires qui complètent la doctrine, et permettent d’interpréter un grand nombre de faits de détail. La plupart se rattachent aux lois de l’hérédité, dont le rôle dans les phénomènes dont il s’agit ici est en effet prépondérant. Par exemple, Darwin admet que les caractères d’une utilité transitoire accumulés chez les parens non-seulement se transmettent comme les autres, mais encore apparaissent à la même époque de la vie et au moment précis où ils peuvent servir. C’est ce que l’on pourrait appeler la loi d’hérédité à terme fixe. Il distingue encore de la sélection naturelle générale ce qu’il nomme la sélection sexuelle. On sait que dans