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d’eux a dû d’abord être continue. La descendance de plus en plus modifiée d’un petit nombre de genres dominans a donc envahi de proche en proche les régions voisines, emportant partout avec elle l’empreinte des types originels. Ainsi s’expliquent les analogies remarquables, la ressemblance générale des êtres qui peuplent les plus grands centres de création, un continent, une mer. Les conditions d’existence variant d’ailleurs de l’un à l’autre dans l’ensemble et entraînant des exigences d’adaptation différentes, on comprend que chaque grand centre devra différer des autres, alors même que les types premiers qui ont peuplé à l’origine chacun d’eux eussent été voisins. La migration de types isolés, les conditions locales, peuvent avoir aisément entraîné l’apparition des types spéciaux. L’Australie, l’Amérique du Sud, l’Afrique australe, présentent à un remarquable degré tous ces caractères.

Ces continens, placés dans le même hémisphère et à peu près sous les mêmes parallèles, possèdent au moins par place des conditions d’existence fort semblables ; les phénomènes d’adaptation devaient donc offrir une certaine analogie et engendrer des êtres présentant des rapports assez étroits. Ici encore les faits concordent avec les inductions théoriques. Darwin cite l’agouti, la viscache, comme représentant dans l’Amérique du Sud nos lièvres et nos lapins, — l’ému, l’autruche, le nandou, comme reproduisant des formes analogues en Australie, en Afrique et en Amérique. Il aurait pu citer encore tous les marsupiaux de l’Australie, dont le type se modifie de manière à répéter pour ainsi dire dans cette série particulière les grandes divisions des autres mammifères, et l’on voit que la doctrine de Darwin justifie aisément ce parallélisme. Elle rend également compte d’un autre fait non moins important. Une contrée, centre de création très distinct quand il s’agit d’un groupe animal, peut fort bien se fondre dans les régions voisines lorsque l’on étudie un groupe différent. À ne considérer que la classe des mammifères, l’Australie est un centre des plus isolés ; il en est de même de la Nouvelle-Zélande, si l’on s’en tient au groupe des oiseaux. Pour qui s’occupe des insectes au contraire, elles doivent être réunies entre elles et à la Nouvelle-Guinée[1]. Le développement successif des types généraux, le peuplement par migrations tel que l’entend le savant anglais, auraient pu le faire prévoir.

Les espèces, les groupes de tout rang distribués à la surface du globe, ont entre eux des rapports multiples et variés dont la connaissance constitue le fond de la méthode naturelle telle que l’entendait Cuvier. C’est ici surtout que la doctrine de Darwin est faite pour entraîner les naturalistes. Certainement elle interprète bien

  1. Introduction à l’entomologie, par Lacordaire.