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pense pas que les couches du globe renferment les restes de tout ce qui a vécu ; il admet au contraire qu’un concours de circonstances assez difficile à réaliser a été nécessaire pour qu’il se formât des couches fossilifères. À l’en croire, nous devons donc renoncer à être jamais renseignés même sur des périodes entières, et cependant il se croit autorisé à conclure que l’ensemble des faits témoigne en sa faveur.

Les naturalistes n’ont pas à rechercher seulement les rapports de supériorité ou d’infériorité relative. Il en est d’autres plus obscurs et plus délicats dont on se préoccupe aujourd’hui avec raison, et dont la doctrine de Darwin rend souvent compte d’une manière à la fois simple et plausible. Ces rapports sont ceux que l’on désigne par les expressions de termes correspondans, d’analogues, de types aberrans, de types de transition. On donne le premier nom à des êtres qui, quoique appartenant à des types différens, n’en présentent pas moins des ressemblances secondaires tellement frappantes, qu’elles peuvent parfois masquer momentanément les différences radicales et faire croire à une parenté qui en réalité n’existe pas. Divers groupes de mammifères, par exemple, possèdent des représentans dont les uns sont faits pour mener une vie toute terrestre, dont les autres habitent les eaux. Pour les premiers, la distinction est aisée : personne ne confondra un carnassier et un pachyderme ; mais chez les représentans amphibies de ces deux ordres le type a dû subir des modifications profondes pour s’adapter à un genre de vie spécial, et, les conditions d’adaptation étant les mêmes, il en est résulté des ressemblances qui ont fait longtemps hésiter les naturalistes. Le morse, le dugong, le lamantin, sont des termes correspondans. Chez tous les trois, la forme générale du corps s’est modifiée, les membres sont réduits à de simples palettes jouant le rôle de nageoires. Un pas de plus, et on arrive aux baleines, aux dauphins, que le vulgaire, trompé par les formes extérieures, confond avec les poissons, et qui ne sont en réalité que les analogues de cette dernière classe dans celle des mammifères.

L’épithète d’aberrant peut s’appliquer à tous les êtres qui s’écartent brusquement, par une ou plusieurs particularités frappantes, du type auquel il se rattachent d’ailleurs par les caractères les plus essentiels. Des conditions d’adaptation exceptionnelles suffisent généralement pour justifier l’existence de ces espèces ou de ces groupes hors rang ; mais il est un cas plus difficile à expliquer, et dont la théorie de Darwin rend également compte. Je veux parler des types de transition. J’ai proposé de comprendre sous cette dénomination les groupes ou les espèces chez qui l’écart résulte de la juxtaposition de certains traits caractéristiques empruntés de toutes pièces à des groupes fondamentalement distincts. Tels