Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lisme. Ce doit être un ministre de la paix, puisque c’est lui qui a signé la circulaire du 16 septembre 1866, par laquelle la France faisait adhésion aux résultats de la guerre d’Allemagne, et quand on se souvient que M. de La Valette quittait l’an dernier le ministère de l’intérieur à propos de la seconde intervention française à Rome, on ne peut voir dans son avènement à la direction de nos affaires étrangères que le gage de dispositions parfaitement amicales à l’égard de l’Italie, probablement même le signe avant-coureur d’une solution de la question romaine, au moins quant à l’occupation qui dure encore. M. deForcade La Roquette est un esprit sérieux, sensé, qui s’est montré libéral au ministère du commerce, et qui ne le sera pas moins sans doute au ministère de l’intérieur, où il arrive avec l’aptitude d’un homme formé à la pratique de l’administration. Quant à M. Grossier, il a été dans la dernière session le rapporteur de la loi militaire, ce qui est peut-être un singulier chemin pour arriver au ministère de l’agriculture ; mais il est député, et c’est la première fois, depuis le rétablissement de l’empire, qu’un ministre est pris dans les rangs du corps législatif.

Au-delà de ces indices, on ne peut voir évidemment dans les dernières modifications ministérielles la portée d’un changement décidé de politique. Les hommes se succèdent, le système reste. Ce qu’il y a de plus caractéristique, c’est la chute de M. Pinard après un an de ministère. M. Pinard n’a pas été heureux, cela est bien clair ; il a montré quelque inexpérience dans le maniement de notre politique intérieure : et ce n’est point absolument sa faute. Une des plus singulières erreurs des pouvoirs qui ne consultent qu’eux-mêmes, c’est de croire qu’ils peuvent placer indifféremment les hommes dans toutes les fonctions ; ils les usent, voilà tout. M. Pinard était un magistrat distingué, on a voulu en faire un ministre de l’intérieur, et il a échoué. Il a du reste accepté sa situation avec dignité en refusant toute compensation et en te faisant inscrire au tableau des avocats. Rien peut-être mieux que ces derniers changemens n’est propre à faire comprendre ce que la responsabilité, une vraie responsabilité, peut mettre dans la politique de dignité pour les hommes, de garantie pour le pouvoir lui-même, en dissipant toutes les obscurités qui planent sur nos révolutions ministérielles. Si M. Pinard avait eu à défendre sa politique devant des chambres, on saurait au moins pourquoi il est tombé. Aujourd’hui on est réduit à soupçonner que sa faute est de n’avoir pas été heureux, de n’avoir pas réussi dans les incidens qui se sont succédé depuis quelques mois. S’il avait réussi, il serait encore au ministère. — Mais n’est-ce pas là, direz-vous, une responsabilité d’un certain genre ? Oui sans doute, seulement c’est une responsabilité équivoque, indéfinie, bien diflerente de la responsabilité ostensible, publiquement débattue ; c’est celle-ci qui est la seule vraie et efficace, et il faut bien que cette idée de la responsabilité ministérielle soit en progrès, puisqu’un vice-président du conseil d’état, M. de Parieu, la déve-