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tour à jouer au pape et à la France. C’était, tout simplement un calcul inique et de plus fort mesquin pour plusieurs raisons : d’abord parce que l’obligation de l’Italie dans cette affaire ne résulte pas tant d’une convention diplomatique que des annexions mêmes des provinces pontificales, ensuite parce qu’on frappait, non le pape ou la France, mais les malheureux créanciers, qui n’y peuvent rien, et le général Ménabréa avait bien quelque raison de dire qu’on rirait parfaitement à Rome de ce genre de guerre, qui n’aurait d’autre effet que d’ébranler le crédit italien. Singulière punition pour le gouvernement papal que de ne pas payer leurs intérêts aux porteurs d’une dette devenue italienne ! Croit-on de plus que ce fût un moyen très efficace pour amener la fin de l’occupation française à Rome ? L’opposition florentine a eu un tel succès avec sa motion que la majorité ministérielle s’est accrue singulièrement et est montée du coup à 100 voix, de telle sorte que l’existence du cabinet Ménabréa reste maintenant assurée pour quelque temps, toujours sauf l’imprévu. Il y a heureusement en Italie plus de bon sens qu’on ne croit, et il y a assez d’esprits sages qui, sans abandonner la politique nationale, sont parfaitement convaincus que ce n’est ni par des boutades ni par des coups de violence qu’on résoudra la question romaine.

Un certain apaisement est donc sensible au-delà des Alpes au moment où nous sommes. Est-ce à dire que tout soit le mieux du monde sous le meilleur des ministères ? L’Italie souffre d’un mal qui n’est ni le regret du passé ni le désir de nouveaux changemens. Un des membres les plus éminens du parlement de Florence nous écrivait ces jours derniers : « Le pays est mécontent, mais au fond il ne veut pas un autre régime que celui qui existe. » Cela veut dire que le mal n’est pas essentiellement dans la situation nouvelle de l’Italie, dans les institutions : il est dans une organisation à peine ébauchée malgré toutes les apparences, dans les malaises créés pour une révolution faite au pas de course, dans les vices d’une administration insuffisante et ruineuse ; il est dans les antagonismes qui depuis quelques années ont si souvent décomposé les majorités et fait les pouvoirs précaires. Voilà le mal qu’il faut guérir, voilà la pensée faite pour rallier autour d’un gouvernement sensé tous les hommes qui ont été de ce parti national et libéral par lequel l’Italie a été affranchie. Cet apaisement d’aujourd’hui peut servir à une œuvre de ce genre. L’année finit bien sous ce rapport. Le jour où un parti vraiment libéral serait vigoureusement reconstitué, l’Italie aurait gagné une victoire qui effacerait vite tous les Mentana, et par la réalisation hardie de toutes les réformes nécessaires dont ce parti deviendrait l’instrument, elle ferait des progrès plus sérieux, plus rapides, que par les utopies d’une opposition plus légère et plus insuffisante encore que violente. Elle serait vraiment forte le jour où les circonstances lui donneraient un nouveau rôle à jouer dans les affaires de l’Europe, et c’est alors que la question ro : naine se résoudrait toute seule par la force des choses. L’Ita-