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Pays-Bas, dans lequel le congrès de Vienne avait voulu reconstituer la glorieuse principauté des anciens ducs de Bourgogne, réunissant à de vastes et productives colonies les trésors créés par un commerce étendu, une industrie très active et une agriculture modèle ; mais la France ne pouvait voir qu’avec satisfaction l’ancien front de bataille tourné contre elle remplacé par une puissance neutre et amie, qui couvrait sa frontière la plus faible d’un boulevard infranchissable.

Le parti du mouvement en France aurait voulu conquérir les frontières du Rhin, en faisant à l’Europe une guerre révolutionnaire et en délivrant la Pologne. Louis-Philippe résista de toute son énergie, et refusa même de ratifier l’élection du duc de Nemours, à qui le congrès belge avait d’abord déféré la couronne. Il fit sagement, car il aurait eu à combattre non-seulement les grandes puissances continentales, mais même l’Angleterre, qui faisait de la seule élection d’un prince d’Orléans un casus belli. Le parti démocratique français se trompe quand il croit à l’efficacité toute-puissante d’un appel à la révolution. Il est sous l’empire de deux illusions très généreuses, mais très dangereuses. Il s’imagine qu’il est encore le représentant par excellence des idées de liberté comme en 1789, et il oublie les rancunes ardentes et trop justifiées que les violences de Napoléon ont laissées bien plus encore dans le cœur des peuples que dans celui des rois, car à ceux-ci il ne prenait que des provinces, tandis qu’aux autres il enlevait l’indépendance, la nationalité et l’honneur même. Le drapeau tricolore, qui était aux premiers jours de la révolution l’étendard de l’affranchissement universel, est devenu aux yeux des vaincus, — et qui ne l’a été ? — un symbole toujours menaçant d’usurpation et de conquête. Si en 1830 la France était sortie de ses frontières, elle n’eut point fait crouler les trônes, mais elle aurait attiré sur elle la fureur des peuples, encore avides d’une sanglante revanche, et menés au combat par la libre Angleterre. L’élection de Léopold et la sagesse de Louis-Philippe préservèrent le continent de cette effroyable calamité.

Après la prise d’Anvers par l’armée française et l’évacuation du territoire belge par les Hollandais, les chefs du parti libéral et du parti catholique, fidèles à l’union de 1830, s’occupèrent de concert de la réorganisation du jeune état qui leur était confié. Des lois votées par les chambres à de grandes majorités vinrent successivement fixer les cadres de l’armée, le régime de l’enseignement supérieur, des administrations communales et provinciales. En 1834, M. Rogier fit décréter le premier réseau de chemin de fer du continent. Le roi laissait pleine liberté à ses ministres. Il s’intéressait à toutes les mesures qui devaient avoir pour effet de favoriser la