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que, s’il existe des pays où le gouvernement est appelé à venir en aide au travail, la Belgique plus que tout autre se trouve dans cette position. » Il était sans cesse occupé de chercher les moyens les plus propres à développer le commerce et l’industrie belges. Lors des négociations pour le traité commercial avec la France, qui, commencées en 1840, n’aboutirent qu’à la fin de 1842, il n’épargna rien pour faire obtenir des conditions favorables à la Belgique. Il repoussa l’union douanière, qui avait été un moment proposée, mais dont l’industrie française ne voulait pas, et qui aurait provoqué le mauvais vouloir de toute l’Europe contre la France. Il écrivait confidentiellement à l’envoyé belge à Paris le 27 janvier 1841 : « Il faut une ligne de douanes entre les deux pays, parce qu’il faut au reste de l’Europe une preuve palpable qu’il n’y a pas incorporation. Les quatre autres puissances signataires de nos traités se sont déjà prononcées contre une union de douanes. Elles déclarent que par une pareille union notre neutralité cesserait de fait et de droit, que nous ne serions plus qu’une province française que les puissances ne respecteraient plus. Dans le pays, où l’on commence à comprendre l’importance de la neutralité, on en veut le maintien, et la majorité s’opposerait de toutes ses forces à toute mesure qui y porterait atteinte. » On le voit, Léopold était plutôt un homme d’état européen, et son action, dépassant sans cesse les limites étroites de son territoire, avait pour but principal d’écarter toutes les occasions de froissement ou de conflit qui pouvaient s’élever entre les grandes puissances. Il remplissait vraiment l’office d’un ministre de paix dans toute l’Europe et plus tard jusque dans l’autre hémisphère.

En sa qualité d’ancien land-lord anglais, il suivait avec le plus vif intérêt tous les progrès de l’agriculture. Les détails même ne lui échappaient pas. En voici une preuve prise entre cent autres. Le 24 août 1855 il écrit de Laeken à un des ministres, M. de Decker : « Je joins à ces lignes une Revue des Deux Mondes qui contient des renseignemens sur un engrais sur lequel j’aimerais à avoir des renseignemens. Vous savez que le sable de notre côte est composé de débris de coquillages. La tangue dont parle la Revue doit ressembler à notre sable de mer ; il serait utile de vérifier cela. J’ai toujours été frappé du parti qu’on pourrait tirer du sable de mer pour les terres fortes, si le transport n’était pas trop cher. » Le dernier banquet auquel il assista fut celui que lui offrit la Société agricole de la province de Namur, où était situé son domaine d’Ardenne.

Comme pour mieux habituer le pays à se gouverner lui-même, le roi faisait fréquemment de longues absences. Il visitait tour à tour l’Angleterre, la France, les villes d’eaux d’Allemagne, la