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au nom de la science de 1780 paraissent inopportunes et surannées; le temps a donné raison au texte, c’est l’annotation qui est en retard et l’auteur qui est en avance.

Au reste Voltaire n’attache qu’une médiocre importance à cette métaphysique des molécules, et il poursuit son essai en exposant les lois de la propagation du feu. Ce sont des lois expérimentales auxquelles l’ont conduit ses recherches personnelles. Il en formule huit, et il en ajoute même par prudence, en véritable expérimentateur, une neuvième qui exprime que les autres ne doivent être considérées que comme approximatives. « On pourrait mettre pour neuvième loi qu’il doit y avoir des variations dans la plupart des lois précédentes. » C’est ainsi qu’il démontre l’égale propagation de la chaleur en tout sens. C’était encore là une question controversée. Le vulgaire, en voyant monter la flamme, déclarait que le feu se communique de bas en haut; les physiciens prétendaient au contraire que le feu tend toujours en bas, parce qu’un tison mis sur des matières sèches s’y enfonce en propageant la combustion. Voltaire fit rougir un fer qu’il plaça entre deux fers exactement semblables, et par des mesures précises il s’assura que ceux-ci étaient également échauffés; le feu se communique donc également en tout sens quand il ne trouve pas d’obstacle. Voltaire découvre aussi qu’une même quantité de chaleur produit, suivant les corps où elle est introduite, des effets thermométriques différens; en un mot, il entrevoit ce que l’on a appelé depuis la capacité calorifique des corps. Il mêle ensemble par portions égales de l’huile bouillante et de l’eau froide, de l’huile bouillante et du vinaigre, et il constate que la température du mélange n’est pas la température moyenne des élémens; il cherche même la loi de ce phénomène, il dresse des tables de valeurs. « J’ai préparé des expériences sur la quantité de chaleur que les liqueurs communiquent aux liqueurs, les solides aux solides, et j’en donnerai la table si messieurs de l’Académie jugent que cela puisse être de quelque utilité. » Voilà des expériences certaines, des faits nouveaux habilement découverts, des travaux marqués au bon coin, et dont la valeur ne peut être contestée.


V.

Nous venons de voir Voltaire étudiant la physique de Newton et faisant lui-même une théorie de la chaleur; nous allons le trouver maintenant aux prises avec une question de mécanique qui eut le privilège de passionner les savans du XVIIIe siècle : nous voulons parler de la mesure de la force. En 1741, il soumit à l’Académie