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chose. Peu après son retour, il eut la douleur de perdre son excellente femme, au souvenir de laquelle il resta fidèle jusqu’à la fin de sa vie. En même temps son rôle politique devint de plus en plus important. Il fut nommé grand-pensionnaire (raadt-pensionaris) auprès du conseil permanent de la province de Hollande. C’était, après la charge de stathouder, la première de l’état. Elle conférait à son titulaire sur les intérêts généraux de la province et par conséquent de la confédération, dont la Hollande était l’état prépondérant, des pouvoirs analogues à ceux que le pensionnaire de chaque ville exerçait dans la sphère municipale. Quand on se demande cependant par quels brillans services Cats se recommandait à la préférence des Hollandais, — préférence bien marquée, car on abolit tout exprès pour lui une clause auparavant très sévèrement maintenue, et qui interdisait à un Zélandais d’occuper un tel poste en Hollande, — on est embarrassé pour répondre, car l’histoire ne signale rien de bien saillant dans sa carrière politique antérieure. Il est à présumer que ce fut sa réputation de probité, d’incorruptible droiture, le zèle scrupuleux qu’il mettait à remplir par le menu ses devoirs administratifs, qui le désignèrent au choix des électeurs. La plus extrême prudence, un grand esprit de modération, ayant toujours dirigé ses actes, son élection pouvait passer pour un compromis entre les deux partis qui se disputaient la suprématie. Le fait est qu’il jouit durant sa vie et après sa mort d’une grande réputation d’homme d’état. Pourtant les mêmes qualités qui le rendaient si estimable, qui faisaient de lui un administrateur intègre, un excellent magistrat, lui eussent rendu fort difficiles les grandes entreprises politiques. L’extrême circonspection qui faisait le fond de son caractère lui ôtait la faculté des initiatives audacieuses. N’oublions pas cependant que ses tendances conciliantes, en prévenant ou faisant disparaître les causes de guerre ouverte entre les deux grands partis qui divisaient la confédération, pouvaient s’associer alors à un grand bon sens politique, à un patriotisme très éclairé, comprenant ce que l’histoire de la Néerlande a tant de fois démontré, que la force et la prospérité du pays tenaient non pas à la suppression de l’un de ces deux partis engendrés naturellement par les précédens et la situation politique, mais à leur coordination, à leur concomitance pacifique; or ce but ne pouvait être atteint que moyennant des concessions réciproques, et Cats était l’homme des petites concessions prévenant les grands déchiremens. Cela posé, nous devons ajouter que sa gloire personnelle profita de la gloire de sa patrie. Son nom se trouve associé à l’une des époques les plus glorieuses de la république. La guerre de trente ans touchait à son terme. Gustave-Adolphe et Richelieu lui avaient à la