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après qu’elle se fut dissoute, Cats jugea que l’heure de la retraite avait sonné pour lui. Il demanda audience aux états-généraux, fit devant eux à genoux une fervente prière pour remercier Dieu de sa longue protection, et se démit de toutes ses charges. Il avait alors soixante-quatorze ans. Il dut pourtant se rendre encore une fois en Angleterre pour tâcher de maintenir la paix, menacée par les prétentions de Cromwell. Il fit en latin un discours un peu long au parlement Barebone, qui ne paraît pas en avoir été fort touché, et dut revenir en Hollande en laissant les affaires en l’état. Il se renferma strictement depuis lors dans sa jolie campagne de Sorgvliet, près de La Haye, qu’il avait créée lui-même aux dépens des dunes, et qu’on peut visiter encore aujourd’hui. C’est là qu’il publia ses derniers ouvrages, tels que Vieillesse et vie champêtre, Cercueils à l’usage des vivans, Quatre-vingt-deux ans de vie (sa biographie), etc. Il y reçut un jour la visite de la princesse douairière d’Orange, qui venait, accompagnée du petit Guillaume III, âgé de six ans, admirer la campagne de l’ancien grand-pensionnaire et peut-être aussi tirer de son expérience quelques conseils et quelques lumières dont elle pût profiter. On était en hiver, et les étangs gelés de Sorgvliet eurent l’honneur de porter le futur roi d’Angleterre blotti dans un traîneau avec deux petites cousines de son âge. Le jour où il eut quatre-vingt-deux ans, Cats voulut recevoir à sa table les pasteurs de La Haye, et leur remit à chacun un exemplaire de ses œuvres[1] avec une salière en cristal, symbole d’amitié, le tout joint à un petit poème auquel le pasteur Stermont répondit par un quatrain improvisé. Cats lui-même a raconté en vers cet épisode de sa vieillesse, et s’est fait représenter dans une gravure recevant et introduisant dans son salon les doctes personnages. Il mourut âgé de quatre-vingt-trois ans, en 1660. Il avait composé auparavant une prière en vers qu’on devait prononcer à son lit de mort, et il ne manqua pas de la faire dire à temps. Le 18 septembre 1660, il fut enterré le soir aux flambeaux dans l’église du Cloître, à La Haye, ce temple de forme étrange, à trois nefs parallèles, que l’on voit sur la jolie place du Voorhout, et ce simple nom, Jacob Cats, gravé sur un des piliers, rappelle seul aux visiteurs que près de là repose celui que tous les Hollandais ont nommé leur père.

  1. J’ai vu l’un de ces exemplaires avec la dédicace écrite en latin de la main de l’auteur. C’est l’exemplaire qui fut remis au pasteur Trigeland. D’une main fort belle et très ferme encore, le patriarche de Curœfugium (Sorgvliet) a écrit sur le revers de la couverture qu’il donne, dédie, assigne (do, dico, addico) ce livre au destinataire.