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greffes des tribunaux et de la cour impériale de Rennes, serait un document fort utile à consulter pour l’histoire même des anciennes propriétés seigneuriales. La mise en rapport des terres de ce genre à l’embouchure et sur la rive gauche de la Loire y a constitué une opération à long terme, ayant exigé de lourdes dépenses pour des bénéfices nécessairement fort minces au début. Le succès s’est borné jusqu’ici à la culture des sapins, de la vigne et à celle des asperges, il faut attendre maintenant pour d’autres plantations qu’un fonds de terre se forme grâce aux détritus de la végétation. Cette circonstance ne peut que recommander davantage à l’attention ce large essai au point de vue de l’essor de l’esprit d’entreprise dans la contrée. Plus il a été coûteux, plus il réclame de temps pour porter tous ses fruits, et plus il constitue un exemple bon à citer dans la développement de la production agricole. Il y a là comme une nouvelle variante sur le tableau général des cultures du bas de la Loire.

Les conditions de la vie matérielle varient moins dans les campagnes de ce pays que ne le feraient supposer peut-être les différences indiquées dans le système des exploitations. Sous ce rapport, la situation s’est grandement améliorée depuis vingt-cinq ou trente années. Le fait est notoire. On est mieux nourri, mieux logé, mieux vêtu. Dans toutes les fermes, on boit du vin, on mange du pain de froment d’excellente qualité. Quoique la viande de boucherie n’y soit pas commune, elle n’y est pas tout à fait inconnue comme autrefois. A tout prendre, le sort du campagnard, dans le pays de Betz par exemple, est préférable à celui des ouvriers dans les villes. Si le laboureur a devant lui une besogne plus constante, et à certains momens de l’année plus rude, il ne connaît point ces chômages périodiques, ces désœuvremens forcés, — je ne parle que de ceux-là, — qui plongent les familles dans une gêne cruelle et parfois dans une véritable indigence. L’hiver, il ignore ces privations en fait de chauffage, si fréquentes et si dures pour tant de ménages citadins. La vie du lendemain germe sous ses yeux dans son champ quand elle n’est pas déjà dans sa grange. Rien d’essentiel ne manque à sa modeste installation intérieure. Je ne fais d’exception que pour l’éclairage, en général très primitif. On en est resté communément à l’emploi de la chandelle de résine, dont la lueur jaunâtre n’éclaire guère, et dont l’épaisse fumée noircit tout autour du foyer.

Réduire le plus possible la somme des acquisitions destinées à la vie journalière, tel est l’incessant objet des vœux du laboureur. Comme pour le paiement du fermage en nature, il voudrait tout devoir à sa terre. L’idéal consiste, suivant lui, à n’avoir rien à débourser. Juste quelquefois, ce calcul peut aboutir à un véritable