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s’impose ici, et qui n’avait pas été suffisamment remplie dans les plans primitifs. On n’en doit pas moins louer la pensée qui les avait suscités. On a pu mieux se convaincre que dans les districts traversés, très riches en produits agricoles et où le sel marin, les briques, la poterie, les engrais, fournissent aux transports un appoint considérable, on serait sûr d’un trafic rémunérateur. Avec ce réseau, le groupe rural du pays de Retz pourrait affronter sans crainte la concurrence que lui préparent les modifications introduites, soit en France, soit en Europe, dans le commerce du blé. Autrement l’influence du mouvement contemporain, après y avoir été fractueuse, courrait risque d’y préparer des déceptions et des ruines.

Le rôle du chemin de fer serait plus décisif encore pour Paimbœuf. Une question d’un intérêt général s’attache à la destinée de cette ville, si profondément atteinte depuis l’avènement de Saint-Nazaire à une grande existence maritime. Circonstance singulière! elle avait été jusqu’alors le chef-lieu administratif et la plus importante cité du pays de Retz, et elle n’appartenait point au même cadre économique; elle ne se rattachait que par de faibles liens au groupe rural. C’était le commerce maritime, ce n’était point la production agricole qui alimentait son activité-Aujourd’hui, la question est de savoir si Paimbœuf, tout en conservant ce qui lui reste de sa situation maritime, pourra se placer à la tête du mouvement agricole. Or rien de possible en ce sens à moins qu’il ne devienne un port d’écoulement pour tous les produits de la rive gauche en même temps qu’un port d’approvisionnement ouvert aux besoins si multiples de la rive droite. Le chemin de fer pourrait seul lui créer ce nouveau rôle.

On tomberait dans une étrange erreur, si l’on voulait juger les effets du mouvement économique dans ce pays par ce qui s’est passé à Paimbœuf. Au lieu de s’y être élevé, le niveau des existences y a fléchi; mais ce fait ne tient pas à une influence générale : il tient à une transformation toute locale, à la création d’un nouveau port plus rapproché de la mer. On a vu là comment une cité peut déchoir presque tout d’un coup du rang qu’elle occupait par des causes aussi étrangères à l’état de la société qu’indépendantes d’elle-même. La vie locale n’y possédait qu’une source d’activité; une fois tarie, il ne restait plus rien. Il n’y a guère plus d’un siècle et demi, les grands navires de cette époque, qui seraient tout au plus aujourd’hui des bâtimens de dimension moyenne, éprouvant d’énormes difficultés pour gagner l’opulente cité de Nantes, Paimbœuf avait été choisi comme point d’armement et de désarmement. On y chargeait les marchandises sur les gabares, qui remontaient jusqu’à Nantes. Un simple hameau devint ainsi, presque du jour au