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lendemain, une cité à laquelle on promettait une grande fortune maritime. « Cette ville, disait un dictionnaire de Bretagne publié au siècle dernier, s’augmentera insensiblement et deviendra considérable. » Si cette prédiction doit se réaliser, ce ne sera point dans la voie prévue jadis. La mission qu’on lui assignait doit être remplacée par une autre, qui pourrait devenir aussi féconde et certainement plus durable. L’amoindrissement de Paimbœuf n’aurait été ainsi qu’un fait temporaire. — Le travail avait manqué subitement et d’une manière presque absolue. Or, comme les bras s’en vont chercher le moyen de s’employer où ils le trouvent, la désertion avait été générale. Nombreuses maisons inoccupées, rues silencieuses, quais déserts, tel est aujourd’hui l’aspect de la cité. Combien n’importe-t-il pas dès lors de créer de nouvelles ressources, de substituer d’autres applications à celles qui n’existent plus! Une question d’existence s’attache bien réellement, pour le chef-lieu administratif du pays, à la création du réseau ferré. Tandis que sur la rive droite de la Loire, aux environs de la grande agglomération de Saint-Nazaire, la production reste au-dessous des besoins en fait de denrées provenant du sol, elle est surabondante sur la rive gauche. En centralisant ce commerce sur ses quais, Paimbœuf se trouverait avoir pour tributaire, et pour tributaire payant sans regret un tel tribut, cette même ville de Saint-Nazaire où les exigences sont si considérables. L’extension de Saint-Nazaire deviendrait ainsi un gagé de prospérité pour Paimbœuf.

Afin d’ouvrir cette veine nouvelle du côté de la richesse agricole, la résolution, l’esprit d’entreprise, sont aussi indispensables que la construction du chemin de fer. Qu’on se soit abandonné au découragement sous le coup d’un désastre soudain, il était difficile et peut-être impossible qu’il en fût autrement. Toute ardeur, toute sève, toute jeunesse, semblaient avoir disparu. Chacun était enclin à se replier sur soi-même. Dans une cité comme Paimbœuf, où les fortunes acquises viennent non point des hasards de la spéculation, mais d’un travail patient et d’une sévère économie, on devait craindre de rien livrer à l’imprévu. Que l’esprit d’entreprise dût s’évanouir alors, chacun le devine aisément; à peine quelques plaintes, et presque point de demandes. Il y a peu de villes en France qui aient moins fait valoir à l’occasion les titres les plus légitimes. Tel ne saurait être cependant le dernier mot de la situation. La construction du chemin de fer serait un signal pour un renouvellement dont chacun conçoit déjà la nécessité, et auquel, une fois le premier élan donné, ne manquerait pas le concours de volontés actives. Il porterait tout naturellement les intérêts sur la ligne qu’ils doivent suivre, c’est-à-dire vers une alliance de plus en plus intime avec