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tives de Laurent Valla contre Antoine de Palerme et Barthélémy Fazio. Vers le même temps, Josse Bade l’honorait d’une autre dédicace qui précède le second volume de son édition d’Ange Politien. On le comptait déjà parmi les humanistes exercés. Plus tard, ayant donné tous ses soins à la lecture des livres sacrés, des pères et des scolastiques, il devint, comme on dit, « un grand clerc[1]. » Tous les clercs, même les moindres, ont l’humeur contentieuse. Homme sincère et droit, dit Érasme, ardent chevalier de la justice et de la vérité, Berquin ne pouvait se défendre d’avertir les gens qu’il croyait dans l’erreur. Fidèle observateur des lois de l’église, il assistait scrupuleusement à tous les offices, jeûnait et recevait les sacremens aux jours prescrits. Cependant sa dévotion n’était pas servile ; c’était un chrétien à la fois austère et libre, qui, n’aimant ni les théologiens ni les moines, ne cachait pas cette répugnance. Étant gentilhomme, il était l’opposé d’un cuistre, et il lui plaisait de le dire, de le montrer. C’est ce qui le perdit.

À Paris, au mois d’avril de l’année 1523, la cour et la ville sont également agitées, mais par des causes diverses. À la cour, on ne s’entretient que des revers éprouvés en Italie par les armes françaises ; la ville est surtout émue par le succès de la réforme religieuse : le nom sinistre de Luther est dans toutes les bouches des clercs, des bourgeois, des manans. Aux défis arrogans du novateur, les ministres du culte catholique répondent dans leurs chaires par les discours les plus véhémens, conjurant le peuple de leur demeurer fidèle, et menaçant des plus grands malheurs, au nom de Dieu, toute nation qui se laissera séduire par l’hérésie. Entendant ces discours, le peuple est dans l’épouvante, et croit voir partout des envoyés de Luther, de Satan, dont les manœuvres préparent sa ruine. Plus éclairés et en conséquence moins alarmés, prêts néanmoins à tout faire pour maintenir l’ordre ancien, qu’on appelle toujours le bon ordre, les magistrats recherchent et livrent quiconque leur est dénoncé comme entretenant de coupables intelligences avec les sectaires du dehors : ils veulent qu’on ne doute ni de leur dévotion ni de leur vigilance. Ainsi la colère et la peur réclament une persécution et pressent l’hypocrisie de l’exécuter, ce qu’elle ne refuse jamais.

En cet état des esprits et des choses, Louis de Berquin est signalé comme étant du parti des réformateurs. Il est savant ; toute sa science doit être hétérodoxe, puisque sa piété manque de respect à l’égard des personnes ecclésiastiques. Il a des livres, et, dit-on, il en fait ; il écrit sur les matières de la foi, c’est une intolérable licence. Sur

  1. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 170.