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s’écroule aussitôt que cette base est ébranlée : c’est donc pour la Sorbonne et le parlement un devoir commun que de veiller au maintien de la foi. Or le juge ecclésiastique, ayant soumis à une scrupuleuse censure les livres et les codicilles trouvés au domicile de Berquin, les déclare impies, schismatiques, hérétiques, et invite en conséquence le juge civil à les faire brûler. Quant à la personne, attendu que Louis de Berquin, auteur ou possesseur de ces livres et de ces écritures, est suffisamment convaincu de complicité dans toutes les abominations de l’hérésie luthérienne, il sera contraint d’abjurer publiquement son erreur, et il lui sera désormais interdit de faire ou de traduire aucun ouvrage touchant les articles de la foi[1].

Le 8 juillet 1523, Pierre Lizet, avocat du roi, lit à la cour le rapport des commissaires. Sur le point le plus important, la cour est sans hésiter de leur avis : il faut sévir, il faut intimider la propagande luthérienne par un acte de vigueur. Se réservant donc de statuer plus tard sur l’affaire de Berquin, la cour ordonne que les huissiers Jacques de Mailly et Pierre Buiday feront sur-le-champ une nouvelle enquête chez tous les libraires. Aux livres déjà saisis, il convient d’en joindre d’autres; les circonstances réclament un incendie considérable, qui se voie de loin. L’affaire revient à l’audience du 1er août. Louis de Berquin paraît devant la cour et est interrogé. A la suite de cet interrogatoire, il est arrêté et conduit prisonnier à la Conciergerie, dans la tour carrée. Le 5 août, la sentence est rendue. Les pièces vues, la faculté de théologie consultée, le procureur-général et l’accusé successivement entendus, la cour renvoie Louis de Berquin et ses livres devant l’évêque de Paris. Ainsi l’on n’a fait jusqu’à ce jour qu’une instruction théologique; maintenant le procès va commencer, et, si Berquin est condamné par son évêque, il lui sera difficile d’échapper au dernier supplice. Telle est en effet la peine que l’usage ainsi que la loi, depuis Constantin, réservent au crime d’hérésie.

Comme c’était un homme fier, plein de courage, qui ne devait rien désavouer, il pouvait déjà s’attendre à la mort et s’y préparer. On parlait de son supplice comme d’un spectacle prochain. « Il l’avait bien gagné! » dit le chroniqueur contemporain qu’on appelle le bourgeois de Paris[2]. Ce mot nous fait frémir. Il est pourtant écrit simplement, au courant de la plume. Ce bourgeois ingénu pense ce que la multitude pensait en France de son temps. Un autre contemporain, Jean Sleidan, dit de la France, à l’année 1535,

  1. D’Argentré, Collect. judicior. de novis erroribus, t. Ier, part. 2, p. 404.
  2. Journal d’un bourgeois de Paris, p. 170.