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gaire et pour avoir multiplié, par la voie de la presse, les exemplaires de ses traductions.

On ne devait pas s’en tenir à cette censure. La faculté de théologie avait alors pour syndic un compatriote de Berquin, Noël Bédier, qui par ostentation se faisait appeler Béda, « le plus grand clabaudeur, dit Bayle, et l’esprit le plus mutin, le plus factieux de son temps. » Ayant été l’un des instigateurs de la censure, Bédier criait aux délégués du pape qu’ils ne pouvaient tarder à poursuivre eux-mêmes l’hérétique censuré sans faire injure à la faculté de théologie. Cette poursuite, longtemps différée, fut enfin commencée à la requête de l’évêque d’Amiens, prié d’intervenir. Tout le monde n’étant pas désireux, comme Bédier, d’attenter à la gloire d’Érasme, on avait hésité, puisqu’on ne pouvait condamner le traducteur sans parler de l’auteur. Ajoutons qu’il y avait encore, même dans l’église, des gens qui regardaient comme véniel le nouveau péché de Berquin. Celui-ci d’ailleurs s’était fait vraiment redouter par son courage, et comme on prévoyait tout le mouvement que de puissans personnages se donneraient pour le défendre, on avait cru devoir temporiser et procéder avec adresse. La tactique avait été de pousser d’abord contre lui son propre évêque. Le 8 janvier 1526, l’évêque d’Amiens demande au parlement la permission de faire prendre au corps Louis de Berquin, qui réside dans son diocèse, et le scandalise par sa conduite. Cette requête étant appuyée par les délégués du pape, le parlement donne la permission demandée. Deux jours après, la cour dit que le prisonnier de l’évêque d’Amiens sera transféré sur-le-champ à Paris. Elle ajoute que, s’il échappe aux mains des sergens envoyés pour l’arrêter, il sera sommé de comparaître dans le délai de trois jours, et que ses biens seront confisqués.

S’il pouvait fuir, il ne fuit pas, et le 24 janvier il était déjà captif sous les voûtes humides de la Conciergerie, quand la cour ordonnait au sénéchal de Ponthieu de faire saisir tous ses livres, déposés, comme on l’avait appris, chez le seigneur de Rambure, son ami, soit au château de Rambure, soit dans la maison qu’habitait ce seigneur en la cité d’Abbeville. C’est donc un grand procès qu’on veut instruire. On a déjà les traductions de Berquin censurées par la faculté; mais à ces pièces on veut en joindre d’autres, et comme on sait que Berquin a l’habitude d’écrire des notes sur la marge de ses livres, on croit pouvoir atteindre, en lisant ces notes, tous les secrets de sa pensée. En outre, car il a, dit-on, mal parlé des théologiens, on fera venir des témoins. Le dernier jour de janvier, la cour ordonne que l’huissier Jacques de Mailly ira faire une enquête au logis de quelques habitans d’Amiens, d’Abbeville, y