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ne livrera pas Berquin aux archers de la garde, et qu’il ne sera pas transféré. C’est une vraie résistance, presque une rébellion. La cour ne se dissimule pas qu’elle vient de braver un maître superbe; elle va donc maintenant user pour l’adoucir de tous les artifices qui lui seront conseillés par la prudence. Le prévôt de Paris, Jean de La Barre, premier gentilhomme de la chambre du roi, est prié de venir au palais. Quand il se présente, le 12 octobre, on lui raconte ce qui s’est passé, on lui demande de visiter Berquin dans sa prison, d’apprécier lui-même s’il est possible de traiter plus humainement un aussi grand coupable, et de vouloir bien ensuite aller vers le roi faire de sa visite un rapport fidèle. Le prévôt s’empresse de condescendre au désir de la cour, et, ayant été voir Berquin en sa chambre, il revient avant la fin de l’audience. Berquin, dit-il, paraît avoir été malade; mais il ne se plaint pas de son logis, il demande simplement la liberté de lire et d’écrire. Cette liberté, répond la cour, les condamnés à mort n’y peuvent jamais prétendre; elle ne leur est jamais accordée. Cependant on traitera Berquin avec une faveur exceptionnelle, et, pour l’aider à passer le temps, on lui fera remettre un exemplaire des épîtres de saint Jérôme en latin ; on y joindra même, s’il le désire, quelques livres d’histoire. Le prévôt n’omettra pas cela dans son rapport ; il faut que le roi sache bien que la cour fait tout ce qu’elle peut pour lui plaire.

Le lendemain 13 octobre, les conseillers Louis Régnier et René Du Bellay sont envoyés aussi vers le roi, munis d’instructions adroitement rédigées. Ces instructions contiennent un discours, le discours que les ambassadeurs réciteront au roi. Les ayant entendus, et le prévôt avec eux, le roi ne pourra garder rancune à la cour; il comprendra qu’elle a rempli son devoir, et peut-être se laissera-t-il enfin persuader qu’il ne doit pas protéger plus longtemps un relaps tant de fois condamné, dont l’impunité devient un scandale.

Le 30 octobre, les ambassadeurs sont de retour. En partant de Paris, ils ont fait route vers la ville d’Artenay, où le roi devait venir. Le roi ne venant pas, ils ont envoyé demander de ses nouvelles. On leur a répondu que, la duchesse d’Angoulême étant gravement malade à Montpipeau, le roi se proposait de demeurer quelques jours auprès d’elle, et qu’il leur faisait dire de l’aller attendre dans la ville d’Etampes. Ils se sont aussitôt rendus à Etampes, où ils attendaient encore le roi quand il leur fut annoncé qu’il avait pris une autre route, se dirigeant sur Marcoussis. Ils ont alors gagné Marcoussis, où, dès l’abord, rencontrant le prévôt de Paris, messire Jean de La Barre, ils l’ont prié de vouloir bien demander pour eux une audience au roi. Le roi leur a prescrit alors de rentrer à Paris. C’est pourquoi, disent-ils, les voilà revenus, ayant parcouru beaucoup