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et que je lui donnerai tout le secours dont il aura besoin pour exécuter un si pieux dessein. »

Cette promesse de troupes, transmise par l’ambassadeur, fit sur le duc l’impression la plus désagréable, et sa réserve en devint plus grande. « C’est un prince fort réservé, répond le marquis d’Arcy. Il s’est borné à me réitérer ses remercîmens pour l’intérêt que votre majesté porte à ses affaires. » Les ministres de Victor-Amédée ne gardèrent pas la même mesure que lui, et pendant que leur maître résiste aux conseils du roi de France, le président Truchi et le marquis de San Tomaso promettent de travailler à la réduction des vaudois, ainsi qu’il résulte de la dépêche de l’ambassadeur français du 27 octobre. « Le marquis de Saint-Thomas, dit-il, et le président Truchi sont ceux qui goûtent le mieux les conseils de votre majesté. » Enfin l’orgueil de Louis XIV s’irrite des résistances de Victor-Amédée, et il écrit à la date du 27 décembre ces paroles menaçantes : « Vous devez lui faire entendre que, tant qu’il laissera subsister des huguenots sur la frontière de mes états, son autorité ne sera point assez grande pour empêcher la désertion de mes sujets calvinistes, et comme il peut bien juger que je ne le souffrirai pas, et que l’insolence de ces hérétiques me donnerait du mécontentement, il pourrait bien arriver que je n’aurais plus pour lui les mêmes sentimens d’amitié que je lui ai témoignés jusqu’à présent. Je m’assure qu’il fera sur ce sujet les plus sérieuses réflexions. » Il lui tarde de voir appliquer sur le versant italien des Alpes le régime des dragonnades, déjà en vigueur en-deçà, et il demande l’époque précise où Victor-Amédée voudra bien commencer, «Il n’y a pas de temps à perdre, écrit-il au marquis d’Arcy, pour pouvoir réussir facilement, et je serais bien aise que le marquis de Saint-Thomas me marquât le temps dans lequel il voudrait agir, et que vous me le fissiez savoir au plus tôt. » Le duc promet enfin de voir ce qu’on pourrait tenter pour amener les vaudois à se soumettre; mais il a soin d’avertir l’ambassadeur qu’il n’a pas besoin des troupes de la France, qu’il veut agir par lui-même. Louis ne se contente point de cette promesse, et il fait au prince de Savoie l’injure de le croire capable de donner une parole qu’il n’a pas l’intention de tenir. « Je crains, dit-il, qu’il ne se contente de vous faire part de ses projets sans les exécuter. C’est pourquoi vous devez lui représenter fortement que tous les ménagemens qu’il aurait pour ces gens-là ne serviraient qu’à les rendre plus opiniâtres. Il doit tout d’un coup leur retirer les grâces et les permissions qui leur ont été octroyées par ses prédécesseurs, ordonner la démolition de leurs temples, leur défendre de faire aucun exercice de religion, et dans le même temps charger du logement de ses