Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

règlemens, ou donné sûreté de réparer les torts causés par ses hostilités et de rembourser les frais de la guerre suivant l’estimation qui en sera faite par les commissaires de l’alliance.

« Article 5. Les alliés sont convenus que les plénipotentiaires, à la pluralité des voix, régleront dans leur assemblée perpétuelle tous les articles qui seront jugés nécessaires pour procurer à la grande alliance plus de sûreté, de solidité, et tous les autres avantages possibles ; mais l’on ne pourra rien changer aux articles fondamentaux que du consentement de tous les alliés. »


Un pareil traité était et est encore impossible ; les gouvernemens et les peuples répugneront toujours à prendre des engagemens dont ils ne peuvent prévoir la portée. Comment empêcher les révolutions et les guerres quand elles ont la force pour elles ? Quel chaos d’ailleurs que ce congrès permanent de plénipotentiaires ! quel foyer d’intrigues et de corruptions ! quelles luttes intestines pour la majorité ! Qui peut garantir que les petits n’y seraient pas opprimés, et que les forts ne s’y passeraient pas leurs fantaisies sous une forme légale et régulière ?

Heureusement le traité d’alliance n’est ici que l’accessoire, l’essentiel est la conservation de la paix. Or, si l’institution d’un tribunal arbitral permanent et d’une police internationale organisée présente des difficultés qui paraissent insurmontables, le monde marche à la paix par d’autres voies. Un texte peut être facilement violé ; ce qui se prête moins aux caprices de l’ambition, c’est l’immensité des intérêts que la paix développe. Le progrès incessant des transactions et des communications entre les peuples par les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les télégraphes, ont plus fait pour la pacification universelle que tous les traités du monde. Une puissance que l’abbé de Saint-Pierre ne pouvait pas prévoir, l’opinion, remplace peu à peu l’autorité arbitraire des gouvernemens. Les nations comprennent tous les jours davantage que la guerre la plus heureuse ne vaut pas pour leur grandeur et leur prospérité la féconde expansion de la paix. Déjà une des premières puissances de l’Europe, l’Angleterre, sans prendre d’engagemens avec personne, sans enchaîner sa liberté d’action, professe ouvertement une politique pacifique, parce que la forme de son gouvernement donne une grande place à l’opinion publique dans la direction de ses affaires. Si les autres états n’en sont pas encore là, ils y viendront quand ils seront plus libres.

Même dans les rapports entre les gouvernemens, l’idée d’une sorte de confédération qui rende les guerres plus difficiles se retrouva au fond de toutes les grandes transactions diplomatiques. La paix de Westphalie avait été une première tentative de pacification ; le traité