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peuple hollandais et du peuple anglais, je m’attendais à rencontrer partout cette même singularité de la démarche régulièrement affairée ; point du tout, elle est exclusivement propre à Rotterdam ! Passe encore que je ne l’aie pas rencontrée à La Haye, ville de fonctionnaires et de diplomates, — à Leyde, ville d’université, — à Harlem, déchue en grande partie de son ancien mouvement ; mais j’aurais pu m’attendre au moins à la rencontrer à Amsterdam, centre du commerce hollandais, et ville où se prononce de la manière la plus nette l’esprit d’indépendance démocratique de ce peuple. Eh bien ! non, pas la moindre démarche anglaise, pas le moindre souvenir du spectacle de la Cité de Londres. Puisque cette singularité ne peut plus s’expliquer par la raison générale de la race, il faut qu’il y ait eu à Rotterdam une infusion plus particulière de sang anglais. Aussi lorsque, de retour de mon excursion à travers la Hollande, je revis ce même phénomène, ma réflexion se porta-t-elle sur un point plus limité du temps, les XIVe et XVe siècles. Je pensai aux incessantes communications des Anglais et des Flamands à cette époque, au séjour d’Edouard III en Flandre, à l’alliance commerciale des deux peuples, à l’expédition d’Humphroy de Glocester pour Jacqueline de Bavière, à l’alliance des Bourguignons et des Anglais, aux recrues flamandes qui plusieurs fois prirent part à la guerre des roses, et qui ne se composaient pas toutes de Flamands de Belgique, aux nombreuses colonies d’ouvriers flamands que le premier Tudor transporta à plusieurs reprises en Angleterre. Un historien dont l’imagination a des intuitions d’une pénétration étrange, M. Michelet, avança, il y a quelques années, que le peuple anglais avait été complètement renouvelé aux XIVe et XVe siècles, et qu’il était devenu un peuple flamand. Cette assertion fit crier au paradoxe. Quand on examine les détails de près, on s’aperçoit de l’énorme part de vérité qu’elle contient. Les Anglais du XVIe siècle reconnaissaient eux-mêmes, et beaucoup en gémissaient, cette influence que les Flandres avaient exercée sur l’Angleterre. Pourquoi alors le phénomène ne serait-il pas réciproque, et comment les incessantes communications des deux peuples pendant deux siècles n’auraient-elles eu de résultat que d’un seul côté ? Et maintenant, si l’on demande pourquoi Rotterdam seule porterait ce signe anglais, nous répondrons que, ces communications de l’Angleterre avec les Pays-Bas concernant spécialement la Flandre, les Anglais n’allaient guère en Hollande au-delà du sud, c’est-à-dire Rotterdam et les localités avoisinantes, de même que leurs expéditions militaires en Hollande pendant ces deux siècles et même aux siècles suivans, ayant toujours pour but et pour théâtre les îles de Zélande, n’ont guère dépassé jamais cette lisière du sud. Un autre trait