Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/771

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soldats de l’infanterie de ligne, ont livré une véritable bataille contre 4,000 Anglais, aux portes mêmes de Saint-Denis. Depuis quelques années, le remplacement a été autorisé dans la milice moyennant une taxe de 10 francs par mois. Cette mesure regrettable remonte au gouvernement de M. Darricau. Elle a éloigné de la milice les grands propriétaires, les négocians, tous ceux en un mot dont la présence lui donnait la consistance nécessaire à un corps semblable en présence de troubles intérieurs bien plus encore qu’en présence d’une invasion étrangère. Le gouverneur cependant ne parut point tout d’abord se préoccuper de l’affaiblissement qui était résulté pour la milice de l’établissement de cette malheureuse taxe de remplacement. Le 2 décembre, vers quatre heures de l’après-midi, il harangua les miliciens qui s’étaient rendus sur la place de l’Hôtel-de-Ville, leur dit qu’il comptait sur eux, et les convoqua de nouveau pour sept heures et demie du soir.

Rentré à l’hôtel du gouvernement, le contre-amiral Dupré fit de nouvelles réflexions. Il avait pu remarquer qu’un petit nombre de miliciens seulement s’étaient rendus sur la place de l’Hôtel-de-Ville, et que la plupart y étaient venus sans armes ; il commençait à se défier de ce corps. Les miliciens de leur côté ne se défiaient guère moins de l’autorité, ils craignaient qu’on ne voulût les désarmer ; c’est ce qui explique que beaucoup d’entre eux se fussent rendus à la convocation sans armes et même sans uniforme. Le commandant de la milice d’autre part, dans ces circonstances difficiles, ne paraît pas avoir montré beaucoup d’activité ni de résolution. Bref, le gouverneur se décida brusquement à renoncer au concours de la milice et à ne compter, pour le maintien de l’ordre, que sur l’appui de la garnison. Il fit sortir non-seulement l’infanterie de marine, mais même l’artillerie. En même temps il fit donner, assure-t-on, contre-ordre à la milice ; mais il était déjà trop tard. Le bruit répandu de la convocation de ce corps avait attiré déjà sur la place de l’Hôtel-de-Ville un certain nombre de miliciens, la plupart en bourgeois, et surtout un grand nombre de curieux. Le malheureux gouverneur avait donc provoqué lui-même, sans le vouloir, un rassemblement. Il avait ravivé l’émotion populaire, qui commençait à se calmer.

La foule, une fois réunie, fit naturellement entendre quelques cris, mais moins significatifs que ceux des jours précédens. Du reste point d’émeute ni de préparatifs d’émeute. Nulle barricade, point d’armes, sauf du côté de la troupe. S’il y a eu plus tard, comme on le prétend, un ou deux coups de feu tirés, ils l’ont été sur un tout autre point. Ils ne sont pas venus de la foule qui se trouvait dans la rue, ils ont été tirés de l’intérieur d’un jardin. Ils ne