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prononcé, il y a plus de dix ans, le discours le plus éloquent sur la liberté de la presse, un député qui avait été exilé de Madrid en 1867 pour avoir protesté contre la suspension de la constitution, M. Adelardo Lopez de Ayala. Un petit bâtiment à vapeur, le Buenaventura, avait été frété en secret. Le 14 septembre, il s’était présenté devant les Canaries ; dans la nuit du 15, il avait reçu à bord le duc de La Torre, Caballero de Rodas, Serrano Bedoya, laissant Dulce, qui était malade, et il avait repris aussitôt le chemin de l’Europe. D’un autre côté, Prim, venant d’Angleterre, avait paru à Cadix le 17, devançant les autres généraux, qui ne purent arriver que le matin du 19. Dans l’intervalle, le 18, le brigadier Juan Bautista Topete, tenant sans doute à honneur d’assurer le premier rang à son escadre, avait donné le signal de l’insurrection, que les chefs unionistes, à leur arrivée le lendemain, trouvaient accomplie, et à la tête de laquelle se plaçait immédiatement le duc de La Torre. Au même instant, la garnison de Séville se prononçait le plus pacifiquement du monde à la voix du général Izquierdo, déjà informé de ce qui se passait à Cadix, et celui-ci, maître désormais du commandement supérieur, expédiait partout, au camp de Gibraltar, à Malaga, des ordres que tous les chefs militaires acceptaient sans hésitation.

Voilà ce qui était arrivé, de sorte qu’en naissant cette révolution avait ses chefs de toute sorte, une armée, des villes populeuses et riches, des places de guerre, une escadre, des arsenaux, et aussi, bien entendu, ses manifestes. Il y avait trois manifestes. Je veux, dès l’origine, noter dans ces proclamations quelques nuances de langage. Topete parlait de la nécessité « d’ouvrir à la nation une véritable ère de monarchie constitutionnelle. » Prim, en appelant de son côté les Espagnols aux armes, ne laissait pas de prendre quelques précautions contre les impatiences démocratiques ; il ne prononçait pas le mot de royauté, mais il avait quelques phrases savamment obscures pour dire qu’il ne fallait pas « s’aventurer prématurément dans des solutions que les circonstances et les événemens peuvent rendre irréalisables… » Dans la proclamation collective signée par tous les généraux et rien que par des généraux, on disait sans rien préjuger : « Nous voulons qu’un gouvernement provisoire représentant toutes les forces du pays assure l’ordre, et que le suffrage universel pose les fondemens de notre régénération sociale et politique… » Le dernier mot de tout cela, c’était évidemment le renversement de la reine ; mais c’était aussi, à travers toutes les précautions de langage, le maintien de la monarchie, d’une monarchie nouvelle et plus libérale. Il n’est pas inutile de marquer ce point de départ de Cadix au 18 et au 19 septembre.