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d’épargnes pour mener à bien nos négociations avec le sultan et revendiquer nos droits ? Ont-ils compris que des millions n’y suffisaient pas ? Si nous n’avions épargné depuis longtemps, il nous serait presque impossible aujourd’hui de poursuivre les négociations pendantes. »

Après cette apologie éloquente et habile, Milosch exhortait ses sujets à la concorde ; il leur demandait aussi un supplément d’efforts et de patience jusqu’au jour où la Serbie aurait reconquis ses droits, car il serait honteux de tout perdre au moment de tout gagner. « Pour moi, disait-il, ma conscience me rend ce témoignage que j’ai rempli mon devoir dans la mesure de mes forces et selon ce qu’ordonnaient les circonstances publiques. J’ai offert ma vie en sacrifice, j’ai méprisé la mort, je me suis exposé à vos injustes reproches, j’en ai eu le cœur déchiré, et cependant je vous ai pardonné tout, ne songeant qu’à établir solidement les droits de mon pays, à les établir pour des siècles et à vous rendre heureux. J’ai réussi, je touche le but, et je remercie Dieu de cette grâce immense, de ce don inestimable. Voilà ce que j’ai fait ; à vous désormais de maintenir mon œuvre… Un gouvernement faible et lâche remettrait tout en question et en péril ; c’est en faisant régner une justice inflexible que le prince remplira son devoir, ce devoir dont il doit compte au peuple, aux deux empereurs, à Dieu et à sa conscience. Ma conscience et le témoignage de mes actions connues du monde entier, voilà le prix de mes labeurs et de mes peines. Le monde les connaît, et nos fils les connaîtront comme la génération présente. » Des acclamations éclatèrent, l’assemblée exprima ses remercîmens au prince, et les membres de la skouptchina se séparèrent aux cris de « vive le hospodar ! vive le sultan ! vive l’empereur de Russie ! »

Le lendemain, 16 janvier 1827, les membres de la skouptchina rédigèrent une adresse au sultan pour le supplier de confirmer à Milosch Obrenovitch le titre de prince de Serbie, que les Serbes lui avaient décerné depuis dix ans. En même temps ils exprimaient le désir que le sultan permît désormais à un Serbe d’occuper dans l’église nationale le siège métropolitain. Le 17, le tribunal suprême, chargé de rédiger une nouvelle formule de serment de fidélité à Milosch Obrenovitch, convoqua l’assemblée devant la grande église de Kragoujevatz ; la formule fut prononcée à haute voix, et chacun prêta serment. Elle se terminait par ces mots : « en renouvelant les sermens de 1817 et de 1826, tous, d’un même cœur et d’une seule voix, nous vous nommons notre hospodar, notre prince, pour nous et nos enfans de génération en génération ; tous aussi, pour nous et pour ceux qui viendront après nous, nous vous jurons, à vous, à vos frères, à vos enfans, à toute votre famille, de vous