Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/874

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvé dans la lettre de Norodom le moyen de tirer de nous une éclatante vengeance, dont il remit le soin à son fidèle Phnéa-rat. L’agent habile dont le départ subit avait tant contribué à notre succès dut se préparer à retourner à Houdon. Il apportait un projet de traité qu’il avait ordre de faire signer à tout prix par le roi du Cambodge ; le sachant homme de ressources et d’énergie, on lui laissait le choix des moyens. Ce traité avait pour but de définir, en l’accentuant davantage, la vassalité de Norodom, qui y était appelé vice-roi et simple gouverneur du Cambodge. Le roi de Siam avait pris la peine d’écrire de sa main le préambule de cet acte diplomatique. Il voulait, disait-il, annoncer à tous que le Cambodge est un état tributaire du royaume de Siam, auquel il doit hommage, et par lequel il est protégé depuis longtemps. Il s’était fait attribuer par l’article 6, et malgré une restriction illusoire, le droit de nommer désormais suivant son bon plaisir les gouverneurs du Cambodge. L’article 7 réservait également à la cour de Bangkok la nomination des gouverneurs des provinces cambodgiennes. Quant au traité français, il n’en était pas question, on ne daignait pas le discuter, on le considérait comme n’existant pas. Phnéa-rat, arrivant à Houdon à l’improviste, agit avec promptitude, habileté et vigueur. Sans laisser à Norodom le temps de se reconnaître, il lui déclara que le roi de Siam, profondément irrité contre lui, consentait à le voir devenir sujet de la France ; son traité avec nous n’avait pas d’autre signification, les consuls des autres nations l’avaient proclamé très haut à Bangkok, et ils voyaient une preuve irrécusable de cette sujétion dans la clause qui excluait du Cambodge tous les représentans des puissances européennes. On devine facilement d’où pouvaient provenir les insinuations de ce genre. Le roi de Siam, continuait Phnéa-rat, ne prétendait rien empêcher. Seulement Norodom, abandonnant son royaume et trahissant son peuple, était par cela même indigne du trône, et Si-vata, jusque-là retenu à Bangkok, allait être mis en liberté. La couronne des rois du Cambodge était en dépôt dans la capitale de Siam ; elle y resterait, et, en supposant qu’il conservât son trône, Norodom ne serait jamais un roi couronné. De plus sa majesté siamoise jugeait le moment venu d’accepter les deux provinces de Compong-soaï et de Pursat, qui lui avaient été si gracieusement offertes au commencement du règne. Phnéa-rat ajoutait que les volontés de son maître ne dépassaient pas les limites de la justice et de la modération, et ne craignait pas d’affirmer qu’elles seraient imposées à la France même par la force dans une guerre en prévision de laquelle le gouvernement siamois s’était assuré le concours d’alliés puissans. Pour conjurer tant de périls, il restait au roi Norodom une dernière ressource : il n’avait