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témoignait naguère, on l’a même vu faire porter sous ses yeux ses habits pontificaux, comme s’il avait l’idée qu’il en ferait bientôt usage… J’ai vu aujourd’hui même le pape, continuait M. de Chabrol, avec l’intention de connaître si le calme qu’il montre aurait ramené ses idées, j’ai profité, pour amener la conversation, sur le sujet qui m’intéressait, de l’Exposé de la situation de l’empire, et après lui avoir démontré combien cette situation était avantageuse, combien nous étions unis au dedans, tranquilles sur les relations extérieures et forts contre nos ennemis, après lui avoir enfin montré en son plein jour toute la puissance morale de sa majesté sur le peuple, je lui ai dit que l’empereur venait de se prononcer de nouveau d’une manière authentique et formelle sur la résolution de conserver dans toute son intégrité le dépôt de la religion de ses pères, que toute l’Europe était convaincue de cette vérité, qu’ainsi les consciences les plus timorées n’avaient aucune inquiétude, que l’on voyait clairement qu’il ne s’agissait avec lui que du temporel, que la question, désormais éclaircie par les déclarations les plus fortes, était devenue évidente pour tous, et que tous, aussi, je ne pouvais le lui dissimuler, rejetaient sur lui seul le retard apporté à un rapprochement nécessaire et réclamé par toutes les églises avec une instance égale à leur attachement pour la religion ; que par là sa position devenait plus difficile, s’il persistait dans son refus, parce que toute la responsabilité en pèserait sur lui, que le concile marchait d’accord avec l’opinion générale et, avec les désirs de sa majesté, qui se montrait satisfaite (on sait ce qu’il y avait de vrai dans ces dernières assertions du préfet de Montenotte) du zèle et de la conduite de son clergé. Je lui ai demandé quel serait, en bonne conscience, le jugement de l’histoire et de tout homme raisonnable à propos d’une semblable lutte… Telle est la substance de ce que j’ai dit au pape, et voici ce que j’en ai obtenu. Il voudrait un accommodement ; on pourrait combiner la nomination des évêques pour remédier à la viduité des églises. Il y avait toutefois dans les propositions de MM. les évêques qui sont venus conférer avec lui certaines choses qui ne pouvaient se concilier avec sa manière de voir et son repos. Au reste, le concile fera sans doute sa proposition sur cela, il se déterminera, et prendra aussi ses décisions suivant que ses lumières le lui dicteront… J’ai trouvé le pape, dit M. de Chabrol en terminant sa lettre, la tête remplie d’une mauvaise théologie, et d’une histoire partiale entièrement écrite en faveur des papes ; , il paraît se placer maintenant entre le parti, qu’il avait primitivement adopté avec MM. les évêques et celui qu’il a embrassé depuis dans ses momens d’aliénation d’esprit et d’inquiétudes morales. En tout cas, on ne peut se dissimuler que son caractère et ses opinions versatiles ne peuvent lui laisser la faculté de se prononcer dans les circonstances politiques où il se trouve. Il ne comprend pas les temps et les changemens qu’ils entraînent. Il ne répond rien à la raison aussi vraie que sublime