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permis de s’écarter. Le principal, qui nomme les professeurs, peut aussi les révoquer; mais les révocations sont très rares, car les choix sont faits avec sagesse, et d’ailleurs les Anglais ont, personne ne l’ignore, un profond respect pour les droits acquis, A défaut d’une école normale supérieure ou d’une institution du même genre, on s’assujettit à recruter le corps enseignant parmi des gradués d’Oxford ou de Cambridge qui aient eux-mêmes passé par Eton avant de se rendre à l’université. Ils arrivent jeunes encore, munis d’une instruction classique supérieure, mais un peu novices en matière d’enseignement; ils acquièrent l’habileté professionnelle par l’exemple de leurs collègues plus anciens et par leur propre expérience. Au surplus, le professorat est une carrière si largement rémunérée qu’elle attire les hommes d’élite. Tant en émolumens réguliers qu’en bénéfices accessoires, un professeur des études classiques à Eton arrive à se faire 40,000 fr. de revenu; le principal reçoit 120,000 fr. par an, et l’on cite en d’autres écoles publiques des traitemens encore plus considérables.

Voyons maintenant ce que sont les élèves de ce magnifique établissement. Il y a d’abord les boursiers, les écoliers du roi (king’s scholars). C’est pour eux que le collège a été créé jadis; mais ils n’y occupent plus depuis longtemps qu’une place secondaire. Ils logent dans un bâtiment séparé, portent un costume particulier, vivent à part, même aux heures de récréation, ne jouent qu’entre eux, et travaillent, dit-on, avec une application particulière. Les autres élèves sont à vrai dire des externes, quoique dans des conditions bien différentes de ceux de nos lycées français. L’école anglaise est un hameau ; au centre s’élève l’édifice qui contient les salles de classe, tout autour se groupent la chapelle, la bibliothèque, ouverte toute la journée, la maison du principal, le logis des boursiers, les habitations des professeurs. Ceux-ci sont autorisés presque tous à tenir pension; les uns n’ont que 5 élèves, d’autres en ont 40 ou 50, qu’ils logent, nourrissent, surveillent et dirigent pendant toute la durée du séjour à l’école. L’enfant admis dans la maison d’un professeur, qui devient dès lors son tuteur et son répétiteur, y retrouve la vie de famille, les soins affectueux du toit paternel. Il vit à une table commune avec la femme et les enfans du maître. Chaque pensionnaire a sa cellule, où il dort la nuit et travaille seul le jour; il y reçoit ses camarades, s’il lui plaît. La liberté d’aller et de venir est complète, car nulle porte n’est fermée. Sauf aux heures rigoureusement fixes des repas, des classes et des répétitions, les élèves sortent à leur gré, jouent quand il leur convient, travaillent aux momens qu’ils choisissent. L’un des défauts de cette organisation scolaire est de coûter si cher que le collège