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et latins, il y traduit au pas de course presque toutes les grandes œuvres de l’antiquité; personne ne lui parle de Shakspeare et de Byron. S’étonnera-t-on que les mathématiques n’aient été admises qu’en 1851 dans le cours régulier et obligatoire de l’enseignement? Encore n’est-ce que tout récemment que les professeurs de sciences ont obtenu d’être assimilés à leurs collègues des lettres. On leur refusait le droit de porter la robe. Ce n’est peut-être qu’un détail; dans un pays qui tient tant à la forme, ce détail est significatif. Au reste, l’enseignement scientifique, tel qu’on le comprend dans ce vénérable établissement, n’a rien qui puisse effaroucher les traditions classiques. L’arithmétique se borne à de monotones exercices de calcul, la géométrie s’incarne avec respect dans le vieux texte d’Euclide, que l’élève apprend par cœur de façon à faire honneur à sa mémoire plutôt qu’à développer son intelligence. Changer un mot à la traduction admise du géomètre grec ou modifier la forme de la figure à laquelle s’applique la démonstration, ce serait une faute aux yeux du professeur. Les sciences physiques sont encore plus mal partagées. En guise de récréation, on en donne le spectacle aux élèves chaque jeudi. Un professeur arrive de Londres tout exprès pour faire à ceux des élèves qui en veulent payer les frais une conférence tantôt sur l’optique, tantôt sur l’électricité. Les expériences jouent un grand rôle dans ces sortes de représentations de physique amusante; mais, si l’on cherche quel profit les écoliers d’Eton peuvent tirer d’un enseignement scientifique de ce genre, il faut bien avouer que les secrets de la nature leur restent inconnus. Autant vaudrait leur mettre entre les mains des livres de science illustrés.

Si nous ajoutons que les universités continuent sur une échelle un peu plus haute la routine obstinée des écoles secondaires, on s’étonnera d’apprendre que les hommes les plus recommandables de la Grande-Bretagne se contentent de cet enseignement. Cependant les jeunes gens qui sortent de là vers l’âge de dix-huit ou dix-neuf ans ne sont même pas mûrs pour les études universitaires; la première année de séjour à Oxford ou à Cambridge se passe à combler les lacunes de l’enseignement secondaire. L’élève sortant d’Eton sait à peine le latin, très peu de grec; il a appris par cœur son livre d’arithmétique, quelques théorèmes d’Euclide, et voilà tout. Il n’est pas en état de se faire admettre aux grandes écoles du gouvernement, Woolwich ou Sandhurst, ni de subir l’examen qui ouvre l’accès à certains services publics. Par contraste, il a reçu la meilleure éducation qui se puisse concevoir. L’obéissance à la loi, la loyauté, le respect de soi-même, se sont affermis en lui. C’est encore un enfant; l’exercice assidu des jeux athlétiques et l’habitude