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petite fortune ; des legs considérables dont les écoles ont été gratifiées en beaucoup d’endroits améliorent encore la position des maîtres élémentaires. Ainsi le legs Milne assure un supplément de traitement de 500 francs par an aux instituteurs du comté d’Aberdeen, à la condition que chacun d’eux donne l’instruction gratuite à 25 élèves. Le legs Dick, dont le capital atteint presque 3 millions de francs, se partage entre les écoles des trois comtés de Moray, Banff et Aberdeen. Le donateur, M. James Dick, qui mourut en 1828, consacra presque la totalité de sa fortune à l’amélioration de l’instruction populaire, afin d’élever graduellement le niveau littéraire des maîtres et des élèves. Les personnes qui administrent cet important capital chargent un inspecteur de visiter les écoles paroissiales des trois comtés au moins une fois en deux ans. Nous avons trouvé en Angleterre des écoles capricieusement dotées, grâce à d’antiques fondations dont le temps a multiplié la valeur. Voici en Écosse des allocations plus régulières. Dans l’un et l’autre pays, l’individu vient en aide à l’état. Que pourrait-on citer d’analogue en France? Quels bienfaiteurs songeraient à doter richement des écoles soumises à la règle uniforme d’un pouvoir unique et centralisé? L’influence heureuse de ces ressources supplémentaires n’a pas été longtemps à se faire sentir. Les administrateurs du legs Dick soumettant les instituteurs à des épreuves sévères avant de leur accorder une part des opulentes allocations dont ils disposent, les maîtres sont presque tous maintenant des hommes d’un mérite reconnu, des gradués des universités. Confinés dans des villages ou des bourgs, ces instituteurs instruits et bien payés ne se contentent pas de la tâche ingrate d’apprendre à lire ou à écrire aux petits paysans; ils recherchent les vocations, cultivent les dispositions naturelles de leurs élèves, et donnent une éducation plus relevée à ceux qui en sont dignes. Le latin, le grec et les mathématiques sont enseignés même au village. L’école paroissiale prépare à l’université. De pauvres enfans qui n’ont ni bas ni souliers traduisent Virgile et Homère ou résolvent des équations du second degré. Qu’une bourse, si peu importante qu’elle soit, vienne à leur échoir, ils se rendent à l’une des universités écossaises où l’on vit à bon marché, car les étudians ne connaissent pas les fastueuses distractions d’Oxford et de Cambridge : partis du point le plus bas, ils parcourent sans obstacle le cycle entier de l’enseignement classique. Est-ce un mal, comme MM. Demogeot et Montucci voudraient nous le persuader? Ces deux savans professeurs redoutent que le jeune homme soustrait à l’existence monotone de son village par ces études délicates ne soit plus qu’un être déclassé, honteux de son obscure origine, mécontent de la société, qui lui a ouvert à moitié la porte sans