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de plus en plus fréquens, de plus en plus prolongés. Dans l’état de notre marine commerciale, une partie notable de son personnel est toujours inoccupée. Ainsi, sur un chiffre de près de 6,000 capitaines au long cours, il n’y en a guère que le quart qui aient un navire à commander. D’autres servent comme seconds, c’est-à-dire dans une situation précaire, avec des émolumens tout à fait insuffisans. Beaucoup de capitaines, et je ne parle pas ici des plus âgés qui se reposent volontairement, manquent de tout emploi. Remarque analogue au sujet des maîtres au cabotage, dont le nombre est d’environ 8,000, avec cette différence cependant que ces derniers sont assez souvent propriétaires de leur bâtiment, ce qui n’arrive jamais pour les capitaines au long cours. Quant aux matelots, la navigation lointaine prend d’ordinaire les plus vigoureux, les plus jeunes, les plus habiles. Un grand nombre sont contraints d’être infidèles à leur état, faute d’y trouver une besogne qui les fasse vivre. Quand la mer les repousse, ils ne peuvent espérer, faute d’un autre apprentissage, qu’un travail très peu productif.

Au premier abord, c’est un sujet d’étonnement, en ce qui touche les capitaines et les maîtres au cabotage, que de voir les écoles d’hydrographie où se délivrent les brevets aussi nombreuses et aussi fréquentées qu’elles le sont. On en compte trente-cinq ou quarante disséminées sur nos côtes. Il y en a une à Saint-Nazaire, ce qui n’empêche pas qu’il y en ait d’autres dans le voisinage, à Nantes, à Lorient, à-Vannes, au Croisic. Ces écoles reçoivent en moyenne de 15 à 20 élèves[1]. Tous les ans, des examinateurs partis de Paris, officiers de marine expérimentés ou savans versés dans les connaissances spéciales, vont procéder aux examens de pratique et de théorie. Au bas de la Loire comme partout, le nombre des capitaines au long cours et celui des maîtres au cabotage grossit bien plus rapidement que les vides survenus dans leurs rangs ne le rendraient nécessaire. On s’explique sans trop de peine, quand on voit de près la composition des écoles, que cette augmentation continue. Les jeunes gens qui suivent les cours sont nés sur le bord de la mer; ils ont appris de bonne heure à l’aimer, à la pratiquer. Marins par leur origine, ils sont soutenus par la louable ambition de s’élever dans leur carrière. Après avoir rempli la rude condition imposée aux débutans et navigué le temps prescrit, ils se consacrent aux études théoriques, d’autant plus pénibles pour eux que leurs occupations antérieures ne les y avaient pas accoutumés. Souvent la position embarrassée des familles rend cette deuxième initiation plus dure

  1. La plus fréquentée de toutes est celle de Saint-Malo, ayant communément de 100 à 120 élèves; celle de Nantes en a de 60 à 100.