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où l’empereur est couronné de lauriers et porte l’égide. Le n° 222 est un peu plus vrai, parce qu’il vise moins à copier Alexandre ou tout autre type héroïque, avec une tête bien pleine, une chevelure abondante, un menton d’une mâle fermeté. Le grand camée qui a longtemps été dans le cabinet de Louis XIV, et dont la monture en émail est si élégante, fait exception. L’artiste, en représentant Claude, lui a laissé la tête mesquine, la figure tirée, le menton fuyant, qui constituent son caractère iconographique. Ce camée a souffert, et le fond a dû être restauré. C’est une sardoine à quatre couches, qui a huit centimètres de diamètre dans son petit axe, huit centimètres et demi dans son grand axe. L’empereur est représenté sur un char traîné par des dragons ailés comme le char de Cérès. Sur son bras gauche, le manteau est rejeté de manière à former de grands plis, dans lesquels il prend du blé qu’il fait le geste de semer. Il est donc assimilé à Triptolème, bienfaiteur des hommes. A côté de lui, Messaline, tenant d’une main des épis et de l’autre le rouleau sacré des mystères d’Eleusis, est assimilée à Cérès venant répandre l’abondance sur le monde.

Les médailles ont plus de sincérité que les camées, parce qu’on en frappait un grand nombre, à la hâte, dans des lieux très divers, en employant des artistes nombreux à qui l’on oubliait souvent d’imposer des altérations flatteuses du visage impérial. Si l’on parcourt du regard une certaine quantité de monnaies frappées sous Claude, qu’elles soient d’or, d’argent ou de bronze, on voit promptement se dégager quelques traits essentiels, qui sont comme une résultante et constituent le type: le profil doux, l’œil creux, les coins de la bouche tombans, le menton qui se dérobe, et surtout un muscle du cou tordu et accusé à l’excès, comme pour indiquer le mouvement de cette tête toujours branlante.

Ainsi armés par une étude comparative, nous revenons aux bustes de grandeur naturelle et aux statues. Le musée du Louvre possède quatre bustes de Claude[1], soit en marbre, soit en bronze. Le plus frappant, qui est sur le poêle de la salle des bronzes antiques, vient du château d’Écouen; mais la tête de la statue qui est dans la galerie des Empereurs, et que j’ai déjà mentionnée, reproduit surtout les caractères qui ressortent de l’examen des médailles. Elle offre une expression générale de douceur, de bienveillance, un mélange d’application studieuse et de bestialité. Le nez est bien fait, un peu lourd quand on le regarde de profil; la bouche a de la

  1. Claude était né à Lyon. Les Gaulois, qu’il a favorisés, visités, honorés, à qui il a ouvert l’accès régulier du sénat, avaient dû lui élever beaucoup de statues; c’est pourquoi nos musées en possèdent un certain nombre. On consultera encore la statue drapée du Vatican, la statue assise du musée de Naples, la statue restaurée et défigurée de la villa Albani, le torse brisé du musée de Latran.