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internationale, qui permettrait d’établir de la même manière tous les comptes financiers, commerciaux et statistiques. On comprend que ce serait plus commode. Si au lieu de lire, par exemple, que le budget de l’Angleterre est de 70 millions de livres sterling, celui de l’Autriche de 437 millions de florins, celui de la Prusse de 160 millions de thalers, et celui de la France de 2 milliards de francs, on les voyait tous exprimés par les mêmes chiffres, on ferait bien plus vite la comparaison. J’arrive au plus grand argument en faveur de la monnaie internationale, à celui pour lequel il faudrait l’établir, quand même il serait le seul : elle supprime les frais de change qui résultent de la différence des monnaies. Le délégué américain à la conférence de 1867, M. Rugles, dans un rapport à son gouvernement, a dit que les changeurs, qui trafiquent de cette différence des monnaies, prélevaient chaque année sur le monde commerçant et voyageur, en Europe et en Amérique seulement, une somme de 2 millions de dollars, soit plus de 10 millions de francs, et il ajoutait qu’il en coûterait à peine autant pour refondre tous les systèmes monétaires et adopter un même type. Cette déclaration, plus ou moins exacte dans les chiffres, est vraie au fond. Il y a en effet des gens qui vivent des obstacles mis à la libre circulation de la monnaie, comme il y en a qui vivent des barrières encore dressées aux frontières des états, ou de la diversité des langues. Ce sont autant d’impôts levés sur les préjugés et l’ignorance.

Nous n’allons pas jusqu’à prétendre assurément que, si on avait partout la même monnaie, on aurait supprimé le change, et qu’à Paris la livre sterling vaudrait toujours 25 francs 20 centimes, le florin de Hollande 2 francs 13 cent. Le taux du change résulte de plusieurs élémens. La différence de monnaie est un des plus importans, mais il n’est pas le seul. Il faut tenir compte en outre des frais de transport pour le numéraire à envoyer au dehors, des risques que l’on fait courir lorsqu’on donne une traite sur l’étranger, surtout si elle est à longue échéance. Ces considérations feront toujours varier le taux du change ; mais il baisserait forcément, si chacun pouvait envoyer sa propre monnaie, si elle était reçue partout sans passer par la refonte et sans subir les frais que celle-ci entraîne. Ainsi la livre sterling, qui intrinsèquement vaut 25 francs 20 cent., n’est reçue à notre hôtel des Monnaies, d’après les tarifs, qu’à 25 francs 10 cent. Ajoutez à cela la perte d’intérêt pendant le temps nécessaire à la refonte, peut-être 5 cent, encore; voici cette pièce réduite à 25 fr. 5 cent., c’est-à-dire ayant perdu plus de 1/2 pour 100 par le simple fait de la différence du type monétaire des deux pays. Il en est de même pour notre monnaie