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commandant en chef donnait d’ailleurs le premier l’exemple d’une soumission rigoureuse aux privations de toute nature qu’il imposait à son armée.

L’artillerie de montagne put suivre sans peine. Le corps expéditionnaire avait été pourvu de deux batteries légères d’un nouveau système de canons d’acier organisées en vue de la nature du pays. Armées de pièces d’un poids inférieur à 60 kilogrammes et surtout rendues plus mobiles par une ingénieuse répartition du chargement des caisses à munitions, ces deux batteries répondirent aux espérances Qu’on avait fondées sur elles. Le matériel de campagne, consistant en 4 canons Àrmstrong de 12, avait pu arriver jusqu’à Antalo sur ses roues ; il ne fallait pas songer à le mener ainsi plus loin. Cependant les Anglais tenaient à honneur de montrer leurs gros canons à Magdala. Le matériel fut démonté et chargé sur des éléphans[1], les attelages suivant haut le pied ; 19 éléphans furent employés au transport des 4 pièces et de leurs avant-trains. Deux mortiers de 8 pouces, chargés de la même manière, exigèrent l’emploi de Il autres éléphans, les bombes étant portées à dos de mulet. En ajoutant quelques éléphans chargés d’approvisionnemens divers pour la batterie, un total d’environ 40 de ces animaux accompagnait l’armée. Sans leur secours, il eût été impossible de faire suivre ce lourd matériel, et pas un accident n’arriva, soit à l’aller, soit au retour. Il fallut toutefois en former une colonne spéciale, ces animaux ne pouvant, dans un pays aussi difficile, suivre l’allure des troupes. En général, ils mettaient douze heures à franchir l’étape, que les colonnes parcouraient en cinq ou six heures de marche.

Pour quiconque n’a point suivi les colonnes expéditionnaires de l’armée des Indes, la marche d’un convoi d’éléphans est un spectacle tout nouveau. Rien de plus intéressant que de voir ces gigantesques quadrupèdes s’avancer d’un pas lent, mais toujours assuré, sur les sentiers les plus étroits, gravir ou descendre les pentes les

  1. Il n’est pas sans intérêt d’indiquer de quelle manière le matériel démonté était réparti sur les éléphans ; en voici le détail :
    Pour chaque pièce, 1 éléphant 4 éléphans
    Pour chaque affût, 1 éléphant 4
    Pour chaque avant-train et une roue, 1 éléphant 4
    Pour les deux coffres à munitions et une roue, 1 éléphant 4
    Pour les huit roues restant, à raison d’un éléphant pour trois roues 3
    Total 10 éléphans


    La charge de l’éléphant qui ne portait que doux roues était complétée avec divers accessoires ; le poids moyen de ces différentes charges est d’environ 800 kilogrammes, bâts compris.