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plusieurs étaient hors de service. Cependant quelques fuyards s’étaient retirés dans Magdala. Sir Robert Papier, voulant épargner à ses troupes le risque d’une attaque de vive force, fit placer ses batteries en position et ouvrir le feu sur la place. La distance trop grande et surtout la configuration du terrain où elles purent être établies, qui était fortement dominé par Magdala, rendirent leur tir à peu près inefficace. Leur secours était d’ailleurs superflu. Pas un coup ne fut répondu aux salves de l’artillerie anglaise ; aussi, après quelques instans de cette canonnade inutile, le général en chef fit lancer une colonne d’assaut.

L’amba de Magdala forme une forteresse naturelle défendue par une ceinture continue de rochers à pic, s’élevant en certains points à 500 mètres au-dessus du fond des ravins, et dominant d’au moins 100 mètres le terrain sur lequel s’avançait la colonne d’attaque. Un escalier étroit, grossièrement taillé dans le flanc du rocher, donne accès de ce côté à une porte par laquelle on pénètre dans la place. C’est sur cette voie escarpée, longue de plus de 100 mètres, que s’engagea l’infanterie anglaise ; la porte était solidement barricadée, et les premiers assaillans durent se servir d’échelles pour pénétrer dans une première enceinte formant une sorte de retranchement avancé. Les corps de quelques soldats abyssins, atteints par les projectiles de l’artillerie, jonchaient le sol de cette enceinte. Par une seconde porte, on débouchait dans la place elle-même. Lorsque les soldats anglais franchirent cette porte, un cadavre était étendu à quelques pas en arrière. Les interprètes et quelques-uns des prisonniers qui avaient accompagné la colonne d’assaut reconnurent sur-le-champ le roi Théodoros. Peu d’instans avant l’attaque, il s’était tiré dans la tête un coup de pistolet, ne voulant pas tomber vivant entre les mains de ses ennemis.

Telle fut la fin, non sans quelque grandeur, de cet homme, dont le nom parvenu jusqu’en Europe avait eu ses momens de prestige. Pour l’abattre, il avait fallu les armes d’une grande puissance. Si l’histoire nous a appris à admirer quelques héros de l’antiquité dont la mort tragique rappelle celle de Théodoros, n’est-il pas juste d’accorder aussi à ce chef barbare sa part de renommée ? Le ciel lui-même sembla vouloir s’associer à cette catastrophe. Au moment où les Anglais s’étaient montrés devant Magdala, une auréole lumineuse du plus vif éclat (un halo solaire) avait paru autour du disque du soleil, pour s’évanouir seulement après la mort du négus. Les anciens n’auraient pas manqué de voir un présage dans ce brillant météore, dont la coïncidence bizarre avec les dramatiques événemens de la journée frappa tout le monde. De bien sanglantes images se mêlent aussi au souvenir de cette fin du négus. Pendant que la colonne d’assaut pénétrait dans Magdala, nos