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désignés par elle. Il ne paraît pas qu’elle ait seulement osé y songer, et l’empereur s’était réservé le droit de choisir, pour remplir cette tâche délicate, les membres de l’épiscopat qui avaient toujours montré le plus grand empressement à faire tout ce qui dépendait d’eux afin de lui complaire. Le choix du chef de l’état s’était fixé sur les archevêques de Tours et de Malines, sur le patriarche de Venise et sur les évêques de Feltre et de Plaisance[1]. Plus tard, il leur avait adjoint, pour rendre cette députation plus solennelle encore, les évêques de Pavie, de Trêves et d’Évreux[2]. Ces prélats — est-il bien nécessaire de le répéter ? — n’avaient reçu aucune instruction spéciale de la part du concile. Ils emportaient seulement une sorte de lettre de créance générale datée du 19 août qui avait été signée par quatre-vingt-trois évêques à la suite de la séance du 5 août, et une missive particulière que le cardinal Fesch adressait en son propre nom à Pie VII. Ces communications se renfermaient dans des termes restés à dessein très vagues, ce qu’expliquaient trop bien les circonstances du moment[3]. Elles ne pouvaient servir à guider en quoi que ce soit les démarches des membres de la députation épiscopale. L’empereur s’était exclusivement chargé de ce soin, et c’était de lui seul qu’ils devaient tenir leur mandat. Au moment où Napoléon rédigeait les instructions qu’allaient emporter les évêques envoyés par lui près du pape, ses dispositions n’étaient rien moins que favorables à la cause de l’église ; comme il lui arrivait d’ordinaire, le récent triomphe qu’il venait de remporter au sein du concile avait démesurément exalté son orgueil. Il était décidé à profiter de ce qu’il appelait sa victoire pour pousser jusqu’au bout tous ses avantages, et ceux qu’il lui plaisait de considérer maintenant en ennemis ne devaient s’attendre de sa part à aucun ménagement. Les témoignages de la mauvaise volonté qui l’animait alors à l’égard du clergé abondent de toutes parts.. M. Regnauld de Saint-Jean-d’Angely lui était peu à peu devenu presque suspect à cause de sa modération. Il honorait maintenant de sa confiance particulière M. Merlin, qu’il savait plein

  1. Lettre de l’empereur à M. Bigot de Préameneu, 16 août 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 408.
  2. Lettre de l’empereur à M. Bigot de Préameneu, 17 août 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 415. — La lettre de l’empereur nomme l’évêque de Paris ; mais cela, est une erreur évidente qui aura échappé à l’attention des éditeurs de cette publication officielle.
  3. Nous trouvons le chanoine de Smet bien sévère lorsqu’il dit qu’on pourrait regarder la lettre des évêques, qui est d’ailleurs fort connue, ayant été publiée dans des Fragmens de M. de Barral, « comme un monument d’hypocrisie et de bassesse. » Les évêques du concile de Paris s’étaient mis par faiblesse dans la plus fausse position, et leur lettre s’en ressent, cela est certain ; mais l’appréciation du chanoine flamand n’en est pas moins bien dure.