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amour-propre. Ils auraient eu l’inconvénient d’encourager les velléités de résistance de Pie VII. Ces prélats préférèrent s’en abstenir, et restèrent, ainsi que M. de Chabrol, enfermés dans un commode et impénétrable silence. Par une sorte de convention tacite, préfet, cardinaux, prélats et jusqu’à cet ancien aumônier qui avait possédé l’intime confiance de Pie VII se trouvèrent merveilleusement d’accord. Tous comprirent qu’il fallait laisser ignorer au pape que le concile avait été sur le point d’aller solliciter en corps sa mise en liberté. Tous s’entendirent pour lui cacher que des prélats considérables, ses plus courageux défenseurs, expiaient dans des cachots le tort d’avoir plaidé trop vivement sa cause. Ils s’appliquèrent au contraire à représenter incessamment le clergé français comme blâmant d’une voix unanime l’attitude gardée jusqu’alors par le chef de la catholicité. Pourquoi d’ailleurs insister ? Le simple exposé des faits va suffire à mettre en relief ce qu’il y avait de repoussant dans l’emploi de ces astucieux procédés.

Le cardinal de Bayanne et l’archevêque d’Edesse, M. Bertalozzi, arrivèrent les premiers à Savone, à la date du 29 août 1811. M. de Chabrol, qui avait tant de fois demandé qu’on accordât des conseils au pape, se montra enchanté de leur venue. Il n’était rien qu’il n’attendît de l’intervention de ces deux personnages et particulièrement du rôle que l’on allait pouvoir si utilement faire jouer à l’archevêque d’Édesse. M. Bertalozzi, comme l’avisé préfet de Montenotte s’en aperçut tout aussitôt, était encore sous le coup de la terreur indicible que lui avait laissée sa récente arrestation. « Il se montre intimement convaincu, écrit M. de Chabrol, que le bien de la religion exige que toute discussion soit terminée le plus vite possible par l’adoption des délibérations du concile national, et l’on peut juger par ses élans qu’il ne cesse de prier pour que les choses prennent cette heureuse issue. Le cardinal de Bayanne, saisissant avec habileté l’occasion de faire prononcer cet excellent homme, lui a demandé s’il n’était pas vrai que la délibération pût être acceptée dans toute sa teneur, et M. Bertalozzi a répondu : On le peut. Ce raisonnement a été poussé plus loin, et le cardinal lui a demandé si en pareil cas ce n’était pas un devoir de faire tout ce qu’il était possible de faire. Il a dit alors : On le peut et on le doit. Voilà son opinion[1]. »

Ce début de l’archevêque d’Édesse plut tellement à M. de Chabrol, qu’avec son habituelle sagacité il mit aussitôt en lui ses plus fortes espérances. « On agit en ce moment auprès de M. Bertalozzi. Ce digne homme, depuis qu’il est ici, n’a dit autre chose, sinon : speriamo ! Iddio ayutara ; puis : ubbidienza al governo !

  1. Lettre de M. de Chabrol à M. Bigot, ministre des cultes, 30 août 1811.