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Nous lui envoyons le docteur Porta et quelques gens du pays. Le premier a soin de lui répéter souvent qu’il est retenu ici depuis deux ans. Il conjure M. Bertalozzi de le délivrer, et lui affirme qu’il le peut. Celui-ci lui a répondu : speranza ! pregiamo Dio ! paroles insignifiantes dans sa bouche, suivant le docteur Porta… On remarque toutefois que sa présence fait beaucoup d’impression sur le pape[1]. » En effet, quand il avait été pour la première fois introduit auprès de Pie VII captif, M. Bertalozzi avait montré une très vive émotion et beaucoup pleuré[2]. « C’est peut-être, écrit à ce sujet le préfet de Montenotte, le moyen le plus sûr d’agir sur l’esprit du pape. Il peut certainement faire beaucoup par les prières et les larmes. Le médecin du pape le verra, et je le cultiverai moi-même assidûment[3]. »

M. de Chabrol n’était pas moins content du cardinal de Bayanne. Ce membre du sacré-collège lui paraissait avoir été d’autant plus heureusement choisi qu’il avait jadis déconseillé les mesures violentes auxquelles on avait voulu porter la cour de Rome. Dès cette première audience où son compagnon de route, M. Bertalozzi, avait versé des pleurs si abondans et poussé des soupirs si efficaces, le cardinal de Bayanne avait parlé au pape, écrit M. de Chabrol, « avec l’énergie d’une opinion franchement prononcée… Ce n’est pas un résultat insignifiant, ajoute le préfet de Montenotte, que l’opinion de deux hommes de confiance se prononçant immédiatement et dans le moment où, étant encore isolés, leur avis a toute sa force morale, et ne peut être attribué à l’effet d’une délibération commune. » Après s’être occupé de faire loger M. Bertalozzi de manière qu’il ne pût jamais entrer chez le saint-père sans passer par les appartemens du gouverneur du palais, qui n’était autre que le commandant de gendarmerie Lagorse, l’habile préfet de Montenotte s’entendit également avec le même personnage, qui est, dit-il, plein d’intelligence, afin que le second conseiller du saint-père, qui montrait tant de zèle pour l’empereur, pût être toujours introduit « quand il le faudrait. Il serait même convenable, poursuit M. de Chabrol, qui possède évidemment le don de penser à tout, il serait convenable que ceux qui ne seraient point aussi certains que lui, ne parussent jamais seuls chez le pape, et il serait possible d’arranger cela sans affectation[4]. »

Peu de jours après survinrent à leur tour les cardinaux Dugnami

  1. M. de Chabrol à M. Bigot, ministre des cultes, 2 septembre.
  2. « M. Bertalozzi a fort bien parlé au pape en pleurant par émotion, — émotion que le pape a partagée sans pleurer toutefois, et moi-même je n’en étais pas exempt. » Lettre du cardinal de Bayanne à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 30 août 1811.
  3. M. de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 1er septembre 1811
  4. Ibid., 2 septembre 1811.