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est en forme de bref adressé aux cardinaux, archevêques et évêques assemblés à Paris. Nous n’y voyons rien qui paraisse devoir souffrir des difficultés, à quelque examen qu’il soit soumis, et si quelques expressions demandaient à être expliquées à sa majesté, personne ne pourrait le faire avec plus de succès que votre altesse… » Les auteurs de cette lettre témoignaient l’espérance que l’ancien président du concile voudrait profiter d’une si heureuse occasion pour solliciter auprès de l’empereur Napoléon un adoucissement dans la situation du souverain pontife. « Si sa majesté est contente de nous, disaient en terminant ces messieurs, nous recevrons en apprenant cette bonne nouvelle le témoignage le plus touchant qu’elle puisse nous donner de sa satisfaction[1]. »

Tandis que les hauts dignitaires de l’église qui venaient de mener à bien ces arrangemens avec le saint-père témoignaient ainsi de leur complète satisfaction, Pie VII laissait voir de son côté des sentimens tout semblables. A l’accord si heureusement établi succédèrent, comme il arrive d’ordinaire, les mutuels épanchemens. De part et d’autre, on se mit à parler des sujets qu’on n’avait pas osé aborder aussi longtemps qu’on s’était tenu sur le pied d’une réciproque défiance. Dès le 5 septembre, le cardinal de Bayanne, dans une lettre confidentielle à M. Bigot de Préameneu, lui avait dit : « Je crois entrevoir qu’après la confirmation du décret mes collègues feront tous leurs efforts pour persuader au saint-père de demander la permission de retourner à Rome, moyennant la renonciation au pouvoir temporel. Ils ne croient pas être au monde, s’ils sont hors des murs de Rome, et le pape, qui a aussi sa bonne part de ce sentiment, pourra bien se prêter à leurs intentions et faire tout ce que voudra l’empereur pour revoir la cara Roma[2]. » Le cardinal de Bayanne ne s’était point mépris sur les intentions de ses collègues ; il s’était un peu exagéré toutefois les sacrifices que Pie VII serait disposé à faire, le cas échéant, pour revoir sa cara Roma. Au fond et pour lui-même, le saint-père n’attachait pas beaucoup d’importance au pouvoir temporel ; mais il était retenu par le souvenir du serment qu’il avait prêté en montant sur le trône pontifical, serment dont les termes étaient, au dire du cardinal Ruffo, si précis et si forts. A peine son bref avait-il été définitivement expédié que le pape voulut s’exprimer lui-même sur un point qui n’avait jamais cessé d’occuper toutes les pensées, tant à Paris pendant les délibérations du concile qu’à Savone pendant la durée des négociations, quoique ni à Paris ni à Savone le mot de pouvoir

  1. Lettre au cardinal Fesch revêtue de la signature des cardinaux, archevêques et évêques envoyés près du pape à Savone, 20 septembre 1811.
  2. Lettre confidentielle du cardinal de Bayanne à M. Bigot de Préameneu. Savone, 8 septembre 1811.