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turaliste allemand, qui doit à ses nombreux et importans travaux une juste célébrité, M. Kœlliker, a insisté d’une manière plus sérieuse sur cette application des découvertes modernes[1]. Prenant pour point de départ, les divers degrés de la généagénèse et la succession des formes dans le développement embryonnaire, il admet que les êtres vivans peuvent en engendrer d’autres, séparés de leurs parens par des caractères d’espèce, de genre, d’ordre et même de classe. Cette dernière distance existe en effet de la larvé sortie d’un œuf de méduse au polype hydroïde qu’elle produit par métamorphose, de celui-ci à la méduse parfaite que ce polype engendre par bourgeonnement.

D’un être fort semblable à un infusoire sortent donc sous nos yeux des polypes hydraires, puis des acalèphes. Or ces trois types, reliés dans certains cas par une filiation ininterrompue, sont dans d’autres circonstances entièrement indépendans l’un de l’autre. L’hydre verte n’engendre que des hydres, soit par œufs, soit par bourgeons, et il existe des méduses qui n’enfantent que des méduses. Ne peut-on pas penser que ces hydres, ces méduses, ont fait autrefois partie de quelque cycle généagénétique ? Ne peut-on pas se demander si chaque jour les cycles dont nous constatons l’existence ne laissent pas échapper quelques individus qui, se propageant sous la forme devenue pour eux définitive et la transmettant à leurs fils, font souche d’espèces nouvelles ? La propagation par bourgeons et par formes très distinctes n’existant pas d’ailleurs partout, surtout chez les animaux plus élevés, Kœlliker y supplée en admettant qu’un œuf normalement fécondé pourrait bien parfois dépasser le terme de son développement ordinaire et donner ainsi naissance à une organisation supérieure. Les ressemblances plus ou moins réelles, mais toujours temporaires, que l’embryon ou la larve d’un animal supérieur présente assez souvent avec les espèces inférieures, lui semblent témoigner en faveur de ce mode de perfectionnement des types spécifiques.

Kœlliker a pu croire un moment que sa conception allait pouvoir s’appuyer, non plus seulement sur des analogies très discutables, mais sur un fait d’observation. Un naturaliste allemand bien connu par de nombreuses recherches et d’importantes publications, M. Hæckel[2], a trouvé dans les mers de Nice des larves qu’il re-

    types organiques en rapport avec leur faculté d’adaptation aux milieux. — Bulletin de la Société botanique de France, 1862.

  1. Ueber die Darwin’sche Schöpfungstheorie (Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, 1864.)
  2. M. Hæckel a publié entre autres un grand ouvrage dans lequel l’ensemble du règne animal est envisagé au point de vue des idées de Darwin et accompagné de classifications détaillées regardées par l’auteur comme autant de généalogies.