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lui dans un petit étang de la Suisse, à peine s’en trouva-t-il deux qui eussent perdu leurs branchies. Les dents, la colonne vertébrale, conservaient plus ou moins les caractères larvaires. Cependant tous avaient la taille des adultes, et les élémens de la reproduction étaient parfaitement développés chez les mâles comme chez les femelles[1]. En rapprochant cette observation de ce qui s’est passé au Muséum, M. Duméril a été parfaitement autorisé à dire : « L’exemple des tritons prouve qu’un batracien urodèle peut se reproduire à l’état de larve. Rien n’empêche donc de considérer les axolotls comme de vraies larves dont les amblystomes ne sont que l’état parfait. »

Il est pourtant difficile d’assimiler à une simple métamorphose la transformation dont il s’agit ici. Chez les tritons comme chez tous les animaux à transformations normales, la métamorphose est un phénomène général qui peut présenter des anomalies, mais qui n’en existe pas moins. Or tel n’est pas le cas pour les axolotls du Muséum. Les reproductions se sont multipliées depuis l’époque à laquelle remontent les observations de M. Duméril. Environ trois mille individus ont été élevés dans nos aquariums. Il en a été distribué sur une foule de points en France et à l’étranger, dans le nord et dans le midi de l’Europe. Eh bien ! la métamorphose en amblystomes ne s’est accomplie au Muséum que sur seize individus. Deux autres faits de même nature se sont produits, l’un à Wurtzbourg, chez Kœlliker, l’autre à Louvain, chez van Bénéden. Voilà tout. En outre, quelques axolotls du Muséum ont paru vouloir éprouver des changemens analogues, mais se sont arrêtés à mi-chemin. M. Duméril a eu l’ingénieuse idée de pousser pour ainsi dire à la transformation en forçant un certain nombre d’individus à respirer avec leurs poumons seuls, et pour cela il a excisé totalement les branchies. La plupart des opérés ont réparé cette perte et ont continué à vivre comme auparavant. Spontanées ou provoquées, les transformations sont à peu près dans la proportion de un pour deux cents seulement ; elles ne se sont montrées dans nos aquariums que pendant les deux premières années de la reproduction des axolotls, et semblent avoir cessé. Il est bien difficile de voir une métamorphose ordinaire dans un phénomène aussi rare et aussi irrégulier.

D’autres considérations plus graves justifient cette conclusion. L’état parfait d’un animal, acalèphe, insecte, reptile ou mammifère,

  1. Archivie per la Zoologia, t. Ier. C’est au mois d’août, près d’Andermatten, au lieu nommé Puneigen, que Filippi a fait cette curieuse observation. Il y aurait un intérêt très réel à visiter de nouveau cette localité à la même époque, afin de voir s’il s’agit d’un fait accidentel et temporaire, ou bien si les tritons de Puneigen présentent constamment cette remarquable anomalie dans leur développement.