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s’accuse bien moins par la forme que par l’apparition des élémens mâles et femelles, par la possibilité de se reproduire au moyen d’œufs fécondés. Sur ce point, il n’y a pas de divergence entre les zoologistes, et cela même permet de ne pas s’égarer au milieu des phénomènes complexes de la généagénèse et du polymorphisme. Là aussi se trouve l’explication du fait observé par Filippi. Les tritons alpestres, qui avaient acquis la taille et les caractères essentiels de l’adulte, étaient bien arrivés à cet état ; seulement il y avait eu chez eux un arrêt partiel de la métamorphose comme on en a signalé depuis longtemps chez les insectes eux-mêmes, où la nature du phénomène est indiscutable. Malgré leurs formes larvaires, nos axolotls sont bien des animaux adultes, car ils se reproduisent très régulièrement et avec toutes les circonstances caractéristiques, de l’état normal. À en juger par l’analogie, on ne voit donc aucune raison pour qu’ils changent d’état et passent à une forme organique supérieure. Enfin, quand le triton perd ses branchies, quand il revêt sa forme définitive, c’est précisément, comme chez tous les animaux à métamorphoses connus jusqu’ici, pour acquérir les facultés reproductrices. Or c’est précisément le contraire qui semble se passer chez les amblystomiens résultant de la transformation des axolotls. Aucun d’eux n’a encore donné signe de tendance à se reproduire, soit avec ses frères transformés comme lui, soit avec ceux qui ont conservé leurs formes premières et dont on les a rapprochés. On dirait qu’ici un excès de métamorphose produit une forme organique plus élevée, mais neutre, tandis que chez les fourmis et les abeilles la neutralité provient au contraire d’un arrêt de développement. Peut-être y a-t-il dans cette transformation un cas de polymorphisme. Ce serait la première fois que ce phénomène apparaîtrait chez une espèce d’un type aussi élevé. On voit combien la découverte de M. Duméril mérite l’attention des naturalistes ; mais on voit aussi combien il reste d’études à faire pour en comprendre la véritable signification[1].

L’insuffisance même de notre savoir prêterait aisément aux interprétations transformistes. Ces axolotls, qui jusqu’ici se sont reproduits sous leur forme connue, qui, en majorité énorme, continuent à se propager de même, qui exceptionnellement franchissent

  1. M. Marsh, professeur à New-Haven (États-Unis), a publié une note très intéressante dans laquelle il fait connaître, comme confirmant la découverte de M. Duméril, les faits qu’il a observés sur un batracien à branchies, originaire du lac Como (Montagnes-Rocheuses), et qui s’est transformé sous ses yeux en amblystome. (Observations on the metamorphosis of siredon into amblystoma, — Journal of Science and Arts, t. XLVI) ; mais M. Baird, qui s’est occupé spécialement des deux types, pense que M. Marsh a pris pour un axolotl une véritable larve d’amblystome.