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il avait à sa cour une position solide. Esprit élevé et conciliant, en relation avec les grands daïmios, ceux du sud entre autres, il discutait avec eux sur l’opportunité de changer les rouages du gouvernement intérieur et de concentrer entre les mains du mikado, ou du moins autour de lui, l’autorité exécutive. Cette réforme lui semblait propre à rallier sous un même drapeau les dissidens et ceux prêts à le devenir. À de pareils discours, présentés avec habileté, modération et un désir du bien public évident, personne ne trouvait à redire. Sur ces entrefaites, lye-motchi venant à mourir, il n’y eut qu’une seule voix pour désigner Stotsbachi comme son successeur. Le prince refusa tout d’abord : il n’ignorait pas que de nombreuses difficultés, des oppositions systématiques et les graves embarras du moment allaient rendre la tâche fort pénible. Il fit donc ses conditions : il pourrait résigner le pouvoir dès que le vœu général du pays paraîtrait le lui demander ; il exigeait la reconnaissance absolue des droits conférés aux étrangers par les traités, il aurait seul mission de s’aboucher avec eux et en général de diriger les relations extérieures. La cour de Kioto, disposée en sa faveur, accepta ces propositions. Stotsbachi fut élu taïcoun. Aussitôt nommé, il fit savoir qu’abandonnant la politique d’isolement et de mystère de ses prédécesseurs il allait désormais traiter directement avec les ministres étrangers les affaires extérieures et les admettre auprès de sa personne. En vain les daïmios, restés secrètement hostiles à sa cause, le pressèrent-ils de régler cette question de Nagato, qui restait en suspens depuis des années : l’affaire n’avait pas de solution possible à cette époque, par suite de l’obstination du prince rebelle et de l’impuissance militaire du gouvernement du taïcoun, que les événemens avaient trop bien démontrée-Stotsbachi évita le piège en déclarant qu’il croyait plus urgente la question des rapports avec les étrangers.

Les premiers mois de l’administration du nouveau taïcoun, écoulés dans un calme apparent, furent signalés par la grande influence qu’acquit auprès de ce prince notre ministre plénipotentiaire au Japon, M. Léon Roches[1]. D’une nature active et entreprenante, initié depuis de longues années au caractère des races orientales, il parvint à acquérir sur Stotsbachi et son entourage un grand ascendant et à devenir le conseiller de ce prince, qui entrait délibérément dans la voie du progrès. Au commencement de 1867, M. Roches se rendit à Osaka, où vint résider de son côté le taïcoun. Stotsbachi eut avec lui un entretien, lui exposa ses plans de

  1. M. Roches, arrivé au Japon en mai 1864, avait soutenu de son influence et de ses conseils le gouvernement du taïcoun. D’accord avec le ministre d’Angleterre, sir Rutherford Alcock, et les autres représentans étrangers, il avait été l’un des plus zélés promoteurs de l’expédition de Simonoseki.