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caractères. Cette hostilité semble avoir quelque chose de surnaturel, disait le père Félix, et elle ne s’adresse qu’au catholicisme. Elle est perpétuelle et universelle. Jamais elle ne cesse, et vous la rencontrez partout. Parcourez tous les pays, entrez jusque dans le moindre village, dans le palais des riches comme dans la chaumière du pauvre ; vous rencontrerez cet antagonisme contre les principes catholiques. Jamais institution n’a provoqué semblables haines. Les siècles passent, les générations se succèdent, les idées, les sentimens des hommes changent : seule, cette hostilité reste toujours aussi violente, aussi implacable. — Tout cela est très vrai. Ce n’est pas en Autriche seulement que la lutte contre l’église trouble et ébranle la société. En France, elle s’envenimera nécessairement aux élections prochaines, puisque le clergé offre son appui au gouvernement en échange de concessions dont l’indépendance du pouvoir civil et la liberté feraient les frais ; en Belgique, elle met aux prises deux partis presque également puissans qui se disputent le pouvoir avec une âpreté croissante ; en Espagne, dans ce pays qu’on aurait cru soumis à Rome par une obéissance séculaire, elle éclate avec une surprenante violence, et provoque de sanglantes représailles et d’horribles attentats ; en Italie, elle est comme le ferment de la vie politique et le mot d’ordre de toute la jeunesse militante ; dans le Wurtemberg, à Constance, en Suisse, de différens côtés, à Saint-Gall, à Berne, à Fribourg, en Thurgovie, elle se réveille avec une fureur qui rappelle l’époque du Sonderbund. Si donc l’Autriche, dans son œuvre de régénération, se trouve entravée par l’inflexible opposition de l’église, elle ne fait, semble-t-il, que subir la loi commune. Seulement cette opposition est pour l’Autriche plus gênante et plus périlleuse que pour les autres nations catholiques, parce qu’elle envenime les divers maux dont elle souffre. En Bohême, le clergé s’allie au parti tchèque le plus intraitable, et le pousse jusqu’aux limites de l’insurrection ; en Croatie, il allume les colères des mécontens par des prédications si incendiaires qu’elles provoquent souvent des répressions judiciaires ; en Tyrol, dans cet éden de la piété fanatique jusqu’à l’intolérance, il n’a nulle peine à communiquer ses passions hostiles ; en Galicie, encouragé par la présence et la voix du légat pontifical en tournée, il appuie le mouvement séparatiste ; enfin, entretenant les appréhensions, les regrets, les rancunes qu’inspire à la noblesse la perte de son ancienne prédominance, s’efforçant de déconsidérer par d’incessantes attaques M. de Beust, l’auteur de tout le mal, essayant de détourner l’empereur de la voie libérale par un appel pathétique à ses souvenirs, à ses alarmes, à ses sentimens religieux, il met tout en œuvre pour faire sombrer le régime nouveau dans l’anarchie qui