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fussent les desseins de l’église. En contestant un fait certain, ils ont méconnu la vérité historique et mal interprété les actes de la papauté. Il faut rendre cette justice au Vatican qu’il a toujours proclamé hautement ses véritables principes sans hypocrisie, sans faiblesse, sans crainte de choquer les opinions dominantes. Il n’a cessé de répéter que la liberté de conscience était une erreur impie, un délire, et, dans tous les traités où le pouvoir civil a cédé à ses désirs, il a fait inscrire que tous les cultes autres que le catholicisme seraient proscrits. Dans les derniers concordats conclus par Pie IX avec les républiques de l’Amérique centrale, le pape a fait insérer un article qui interdit l’exercice de tout culte dissident, et, dans le concordat de 1851 conclu avec l’Espagne, Pie IX avait eu soin d’inscrire également que la religion catholique serait seule tolérée dans ce pays. On se souvient des persécutions odieuses auxquelles cette stipulation donna lieu. En imposant ainsi l’intolérance à différens états, le doux pontife qui occupe maintenant le siège de saint Pierre a sans doute fait violence à la bonté de son cœur ; mais il doit maintenir les lois de l’église et s’efforcer de les faire triompher. Le dernier des pères, Bossuet, a formulé la doctrine orthodoxe avec sa précision ordinaire. « Le prince doit employer son autorité pour détruire dans son état les fausses religions. Ceux qui ne veulent pas que le prince use de rigueur en matière de religion, parce que la religion doit être libre, sont dans une erreur impie. »

Ces maximes ayant été implicitement[1] consacrées par l’article 1er du concordat autrichien, on comprend les inquiétudes que ce traité devait faire naître. En effet, la persécution des dissidens n’est pas en Autriche un souvenir du XVIe ou du XVIIe siècle. Il y a quelques années, en plein XIXe siècle, on a vu se reproduire des scènes qui rappelaient le temps de Ferdinand II. Dans les montagnes du Zillerthal vivaient quelques familles protestantes qui, perdues dans un repli écarté des Alpes tyroliennes, avaient échappé au zèle des convertisseurs. Elles ne faisaient nulle propagande. Tout ce qu’elles désiraient, c’était de pouvoir conserver leur foi,

  1. Dans un concordat conclu en 1863 avec la république de l’Equateur, l’article 1er contient les mêmes stipulations que l’article 1er du concordat autrichien. Les termes dont on s’est servi sont les mémos aussi, seulement on a énoncé la conséquence du principe. Après qu’il a été dit « que la religion catholique sera conservée à perpétuité avec tous les droits et toutes les prérogatives dont elle doit jouir d’après l’ordre établi de Dieu et d’après les lois canoniques, » il est ajouté : « En conséquence, on ne pourra jamais permettre dans la république l’exercice d’aucun culte, ni l’existence d’aucune société qui auraient été condamnés par l’église. » Ce mot « en conséquence » éprouve bien que les droits de l’église signifient l’interdiction des cultes dissidens. Est-ce là ce que M. l’abbé Gratry appelle de la tolérance ? Il est vrai que chacun n’attache pas aux mots le même sens. Ainsi l’évêque qui citait à Bossuet l’exemple des hérétiques d’Afrique, tous exterminés par le glaive orthodoxe, appelait cela une œuvre de charité. Il ne s’agit que de s’entendre.