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M. de Chabrol recevait de lui une dépêche qu’il était chargé de remettre aux évêques députés. « Je sais, écrit-il le 6 janvier, que le contenu de cette dépêche les a en quelque sorte consternés, à raison de la difficulté qu’ils prévoient à décider le pape, et de la nécessité pressante de le décider sur-le-champ. Ils sont tous convaincus que le pape prend une fausse route ; aussi se sont-ils aisément décidés à lui parler avec force. Le cardinal Roverella l’a vu hier. M. Bertalozzi s’est chargé de faire valoir toutes les raisons de M. de Bayanne… On a dû dire au pape sans détour qu’il perdait tout, qu’il agissait aveuglément, qu’il n’y avait qu’un moyen pour lui d’en finir avec avantage : c’était de changer de système et de s’accommoder de bonne foi en se jetant dans les bras de l’empereur… La députation a de son côté rédigé une note extraite de la dépêche de votre excellence qui finit en déclarant au pape qu’il est responsable de tout ce qui arrivera plus tard de fâcheux au saint-siège et à l’église…[1]. » Le préfet de Montenotte n’attendait pas sans espoir l’effet qui résulterait de la dernière démarche qu’on allait essayer. « Il n’y a plus d’autres ressources, disait-il dans cette même lettre, que dans une secousse vive et qui soit accompagnée de la crainte et de la perspective d’une rupture immédiate. »

La note que les évêques députés avaient ordre de remettre au saint-père était en effet de nature à causer au malheureux prisonnier cette vive secousse à laquelle M. de Chabrol attachait tant d’importance. Le fond en était aussi cassant que la forme en était injurieuse. Dans cette note, remise par des dignitaires de l’église de France au chef captif de leur foi, ces prélats ne craignaient pas d’affirmer « que l’empereur avait poussé la condescendance jusqu’à sacrifier les règles invoquées par son conseil d’état au désir qu’il avait de rendre à l’église la paix attendue de tous les fidèles et au saint-père les moyens d’exercer son pontificat avec la pompe et la grandeur convenables… Cependant, continuaient-ils, le temps des hésitations, des difficultés minutieuses, des fausses prétentions, devait avoir un terme. Si le pape persévérait dans l’intention de ne pas accepter les propositions que nous avons été chargés de lui faire, à l’instant où son refus nous obligera de prendre congé, nous sommes tenus de lui déclarer que dès ce moment sa majesté regarde le droit qu’il avait obtenu du concordat d’instituer les évêques comme abrogé, et que la religion ne continuera d’être protégée et encouragée dans l’empiré et dans le royaume d’Italie qu’à la condition que les évêques nommés par sa majesté recevront l’institution, soit du synode, soit du métropolitain. Tel est l’ultimatum de l’empereur… Dans les circonstances actuelles, le pape ne peut refuser

  1. Lettre de M. de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, 6 janvier 1812.