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tirer de cet abîme d’incertitude. Le moment du départ de la députation sera celui qui offrira le plus de moyens de succès[1]. »

Malgré sa perspicacité habituelle, M. de Chabrol se trompait encore. Le pape n’était nullement indécis. Tant qu’il serait captif, il ne donnerait aucune réponse absolue et définitive aux demandes qui lui étaient adressées par l’empereur. Il se bornerait à indiquer quelle pourrait être, le cas échéant, l’étendue de ses concessions. Il irait jusque-là de lui-même, mais oh ne le conduirait pas plus loin. De préoccupations d’amour-propre et de fausse dignité, Pie VII en avait si peu à ce moment solennel qu’il se décida, mettant toute étiquette de côté, à entrer de nouveau en correspondance directe et personnelle avec le souverain qui venait de lui faire déclarer avec tant de dédain qu’il ne répondrait même plus à ses lettres. Peut-être, par cet excès de condescendance aimable et de pieuse humilité, lui serait-il donné de retrouver le chemin du cœur si orgueilleux, mais à ses yeux nullement méchant, du grand homme qu’il avait tant aimé, qu’il aimait encore, et dont il ne pouvait s’imaginer que l’oreille pût rester à tout jamais fermée à ses prières.


« Nous nous sommes déterminé de nous retourner directement vers votre majesté, en lui exposant que nous ne nous sommes nullement refusé à nous prêter à une extension ultérieure du bref du concile, comme votre majesté l’aura reconnu par notre note précédente à laquelle nous nous en référons. Si avant de procéder à cette détermination nous ayons désiré un nombre convenable de conseillers, et témoigné le besoin d’avoir la libre communication avec les fidèles, la cause en est dans notre très vif amour de traiter pour le bien de l’église avec toute la maturité et toute la prudence qui peuvent seules mettre en repos notre conscience et prévenir le scandale qui ne saurait manquer d’en résulter, si nous avions opéré autrement. Nous avons fait les plus sérieuses réflexions, et Dieu sait Combien de méditations et de sollicitude nous coûte cette affairé. Aussi, nous trouvant dans les plus terribles angoisses d’esprit, nous ne pouvons que représenter derechef à votre majesté le besoin que nous avons d’un plus nombreux conseil, et spécialement d’être en libre communication avec les fidèles. Quand nous serons placé dans cette situation, nous assurons votre majesté qu’avec l’aide du ciel nous ferons pour lui complaire tout ce qui pourra se combiner avec les devoirs de notre ministère apostolique… Nous vivons avec la confiance dans le dispensateur suprême des biens de ce monde que nous pourrions alors concilier toutes choses avec une satisfaction réciproque. Ce qui tendra à procurer les avantages spirituels de l’église rendra en même temps le calmé à notre esprit, calme qui nous est d’autant plus nécessaire que

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 19 janvier 1812.